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Maintenance Magazine 169 – septembre 2025

D’abord les données et puis l’IA

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Outre l’amélioration des machines, des individus et des processus, il y a désormais les données, essentielles à l’optimisation de l’activité. Toutes les organisations utilisent des données mais il y a une grande différence avec une ‘organisation pilotée par les données’, qui est ‘animée’ par les données. L’entreprise gantoise Factry fournit des logiciels ouverts à l’industrie pour surveiller, analyser et optimiser leurs processus.

«Disposer de données fait partie des utilitaires au même titre que le gaz ou l’électricité », lance Frederik Van Leeckwyck, co-fondateur et CRO - Chief Revenue Officer - de Factry. « Les entreprises savent comment produire et celles qui parviennent à tirer le meilleur parti de leurs données connaissent un effet boule de neige. Elles savent comment prendre une longueur d’avance et sont plus performantes. Les données sont un état d’esprit. 
« Nous ne pensons pas que nous faisons de l’IA, mais nous y travaillons », poursuit-il. Il y a encore tellement de travail préparatoire à accomplir. « Quand vous entrez dans une usine, vous constatez l’ampleur du travail qu’il reste à faire sur l’infrastructure des données pour la préparer à l’IA. » L’intelligence artificielle repose sur des données fiables, structurées et contextualisées.
« Il ne s’agit pas seulement d’une ‘température au moment x’ mais d’un contexte global. Les données sont généralement disponibles mais souvent dispersées dans des silos (WMS, surveillance énergétique,  …). Il faut donc à chaque fois reconstituer le puzzle avec une feuille de calcul, alors que les données devraient être instantanément et constamment disponibles pour l’utilisateur. »
La vision par ordinateur fait également beaucoup parler d’elle, ces derniers temps. Une caméra installée sur une ligne est une solution dont le retour sur investissement a été prouvé, non ? « Certainement, mais Factry voit plus large. C’est une solution ponctuelle intéressante. Nous voulons centraliser toutes les données en un endroit et les exploiter. »

Logiciels ouverts

Les données demandent une bonne gouvernance. Sans structure dans la nomenclature, les métadonnées et le contexte, elles deviennent rapidement un fouillis incompréhensible. « Si vous vous y prenez bien, vous pouvez apporter des améliorations sur une ligne puis les étendre à d’autres lignes. »
La mise en place d’initiatives de données comme l’IA ou l’OEE – qui calcule l’efficacité globale des équipements – nécessite cependant une avancée majeure : un solide ‘pipeline de données’. Dans de nombreuses organisations, un tel pipeline n’est pas évolutif. Cela signifie que les données doivent être reconstituées à chaque nouveau projet, ce qui entraîne un double travail, des longs délais d’exécution et une frustration au niveau de l’IT et de l’activité. Les entreprises qui parviennent à centraliser leurs données et à mettre en place une bonne gouvernance peuvent éviter cet écueil.
Les entreprises sont également plus conscientes qu’elles ne peuvent pas confier leurs données au fournisseur de leur automatisation si elles ne veulent pas se retrouver dans un carcan, fait remarquer Frederik Van Leeckwyck. Les données doivent être disponibles en un clin d’œil, pour tous et pour chaque système qui en a besoin. « Une organisation pilotée par les données donne un accès aux collaborateurs pour comprendre les problèmes en production et les résoudre. »


« Les entreprises qui réussissent le mieux à optimiser leurs données subissent un effet boule de neige, » Frederik Van Leeckwyck, Factry 

Maturité digitale

La plupart des entreprises doivent donc améliorer la qualité de leurs données dans l’ensemble. Le fait que la plupart d’entre elles aient encore un long chemin à parcourir avant d’atteindre la maturité en données représente un obstacle. Les fondations nécessitent un travail important. D’autre part, il n’est pas judicieux de mettre à niveau toute l’organisation dès le départ », reconnaît Frederik Van Leeckwyck. « Sans gains rapides ni preuve que l’on atteint quelque chose, un projet lié aux données peut rapidement s’enliser. »
« Nous le percevons quand une entreprise gagne en maturité digitale », poursuit Frederik Van Leeckwyck. Factry commence par élaborer un cas d’utilisation avec son logiciel. « Au début, il faut tirer et pousser pour démontrer la valeur ajoutée. Mais à un moment donné, et grâce aux ambassadeurs en interne, l’organisation atteint un point de basculement et commence à exploiter l’outil, avec l’aide des collègues en R&D, planning et maintenance. L’impact se fait sentir. Cette prise de conscience chez les bonnes personnes donne l’énergie nécessaire pour continuer. Ceux qui déploient la solution – les adeptes et les pionniers – sont mis sur un piédestal et le changement est reconnu.

Deux produits

« Nous sommes un éditeur de logiciels et nous développons des logiciels. Aujourd’hui, nous implémentons deux produits chez les entreprises qui comprennent que les données doivent être disponibles sur une plateforme plutôt que d’ajouter une solution ponctuelle ou un système distinct. » Un parcours de consultance montre où en est l’organisation à un moment donné. Factry participe à la conception préliminaire.
Historian est le premier produit de Factry. Il offre un aperçu des processus, des commandes, des recettes,  … Le MES (FactryOS ou Operator System) élève cet aperçu à un niveau supérieur (gestion et exécution des ordres de production, enregistrement des déchets, listes de contrôle, etc.). « Historian enregistre ce qui se passe dans l’atelier. Le MES dicte ce qu’il faut faire dans l’atelier. » 
Les clients sont des entreprises qui connectent déjà leurs machines, travaillent avec des normes et des protocoles industriels avec des PLC, SCADA, OPC UA, etc. Il est possible que l’implémentation du logiciel nécessite l’ajout d’un hardware supplémentaire ou de nouveaux capteurs ici et là. « La technologie n’est pas le défi », estime Frederik Van Leeckwyck. « Il faut convaincre les personnes et les organisations à ‘s’améliorer dans leur travail grâce à la puissance des données’ ». 
Ekopak (Deinze), le spécialiste des solutions de traitement d’eau qui propose notamment le water-as-a-service (WAAS), utilise Historian pour surveiller ses installations (mobiles) et les maintenir disponibles. Le fabricant de verre AGC prédit le temps de bombage du verre des vitres de voiture en fonction de la consommation électrique du four. Un client chilien, constructeur et exploitant de chaudières à biomasse, utilise Historian pour optimiser son efficacité énergétique. En Allemagne, un fabricant d’appareils de mesure de tuyaux utilise Historian pour garantir l’assurance qualité. D’autres clients utilisent les données de Historian pour planifier leur maintenance de manière préventive.


Scale-up

« Nous ne nous considérons plus comme une startup mais comme une scale-up », déclare Frederik Van Leeckwyck, cofondateur et CRO de Factry. Le vendredi, c’est ‘jour de bureau’ à Gand. Toutes les chaises et tous les écrans sont occupés. Fondé en 2016, Factry emploie aujourd’hui 20 personnes. 
« Les trois premières années, nous avons dû trouver notre voie, mais en 2019, nous avons décroché un projet gigantesque pour le géant de l’acier Tata Steel Europe. Nous avons ensuite connu une croissance organique, sans financement externe. Nous avons démarré en mode ‘bootstrapped’. Fin 2023, nous avons accéléré le recrutement. Nous avons encore quatre poste à pourvoir. » Tous les clients utilisent le même produit. Aujourd’hui, nous sommes prêts à travailler avec des tiers, des intégrateurs. Nous muons du statut de fournisseur de logiciels et de services de consultance à une activité purement logicielle. Nous déployons actuellement FactryOS nous-mêmes et nous souhaitons le préparer pour une mise en œuvre par des parties externes. » L’entreprise a des clients dans 38 pays. La moitié du chiffre d’affaires est réalisé en Belgique, le reste vient principalement d’Europe occidentale, mais aussi d’Amérique du Nord et du Sud, d’Extrême-Orient, etc., de Vancouver à Melbourne.
 

par Luc De Smet