PRÉFACE  
Maintenance Magazine 166 – décembre 2024

Make our Industry Great Again!

Ce 9 septembre, Mario Draghi, ancien président de la BCE et ancien Premier ministre d’Italie, a présenté un rapport intitulé « L’Avenir de la compétitivité européenne ». Ce rapport met en lumière le fait que l’industrie européenne traverse actuellement une tempête d’une ampleur sans précédent. Les modèles économiques traditionnels sont sous pression et les dépendances économiques essentielles se transforment en vulnérabilités géopolitiques majeures.

L’ouverture de l’Europe nous rend particulièrement sensibles aux chocs externes. Parmi les cinquante plus grandes entreprises technologiques mondiales, seules quatre sont européennes. De plus, une dépendance inquiétante à l’importation persiste, avec plus de 80 % de notre technologie numérique provenant de l’extérieur de l’Europe. Les entreprises européennes doivent payer des prix de l’électricité deux à trois fois plus élevés que leurs concurrentes aux États-Unis et en Chine. En matière de défense, l’Europe paraît très vulnérable dans un monde de plus en plus incertain. Si ces problèmes ne sont pas résolus, l’Europe risque de perdre sa prospérité et son autonomie stratégique.

Comment renforcer la compétitivité de l’Europe ?

Mario Draghi propose une série de solutions, notamment l’augmentation des investissements dans la recherche et l’innovation, la réforme du cadre réglementaire, le développement des marchés de capitaux européens et des politiques industrielles ciblées. Le rapport estime qu’un investissement supplémentaire de 800 milliards d’euros par an serait nécessaire pour garantir la compétitivité de l’UE. Entre 2025 et 2040, 60 % de cette somme devra être consacrée à la décarbonation des industries à forte intensité énergétique, comme la chimie, la sidérurgie et le papier.

Une action immédiate est nécessaire

Nous ne pouvons que saluer ces mesures ‘Draghoniennes‘ et espérer qu’elles se traduiront rapidement en politiques européennes concrètes. Toutefois, les investissements dans l’innovation ne pourront pas prospérer dans un désert d’usines fermées. Il est donc crucial de préserver le tissu industriel existant. La récente vague de fermetures d’entreprises, de réductions d’effectifs et de plans d’économies dans l’industrie belge souligne douloureusement la nécessité de prendre des mesures décisives à très court terme dans notre pays.

Proposition pour notre futur gouvernement

Pour redevenir compétitive, notre industrie a besoin d’au moins deux éléments essentiels : un parc de machines à la fois intelligent et économe en énergie, ainsi qu’un vivier de talents techniques abordables. Avec des incitations fiscales ciblées, le gouvernement pourrait encourager les investissements dans la numérisation et l’efficacité énergétique des machines existantes, souvent déjà amorties mais capables, après une remise à niveau, de produire de manière compétitive. Un soutien spécifique à une maintenance intelligente axée sur l’efficacité énergétique est également nécessaire.

Pour y parvenir, nos entreprises doivent aussi pouvoir compter sur des talents techniques abordables. Ce sont en effet les techniciens et les ingénieurs qui font fonctionner les usines du futur. Ils sont le moteur de notre prospérité ! Pourtant, en raison des coûts salariaux élevés et du manque de talents techniques, nos entreprises industrielles se retrouvent évincées du marché. Il est donc urgent de créer un régime fiscal spécifique pour les professions techniques industrielles. Une telle mesure motiverait également de nombreux jeunes à choisir une carrière dans des secteurs techniques en pénurie.

En résumé, il est grand temps de retrousser nos manches. Si nous n’agissons pas, ce sont bientôt 200 milliards d’euros d’actifs industriels qui risquent de finir à la casse. Let’s make our industry great again !

Wim Vancauwenberghe, Maintenance Evangelist et directeur de BEMAS