SURVEILLANCE D'ÉTAT
Maintenance Magazine 164 – mai 2024
Solution belge de maintenance prédictive

L’équipe d’Insens souhaite lever suffisamment de fonds avec le prochain tour de table pour poursuivre sa croissance en Europe. (©Insens)

De gauche à droite les fondateurs d’Insens : Gautier Waterlot, Nicolas Verbeek et Guillaume Francaux. (©Insens)

Kit de démonstration avec lequel Insens se rend aux salons. (©Insens)
PreviousNextQue vous ayez visité le salon Maintenance ou que vous ayez voyagé jusqu’au nord de l’Allemagne pour la Hannover Messe, Insens semblait omniprésent ce printemps. Ils arrivent sur le marché avec RED, une solution de maintenance prédictive et d’optimisation énergétique.
Par Valérie Couplez
Insens est la création issue de l’idée de trois jeunes enthousiastes de Louvain-La-Neuve : Guillaume Francaux, Nicolas Verbeek et Gautier Waterlot. Ils se sont rencontrés en 2017 lors de leurs études d’ingénieur civil à l’UCLouvain où ils travaillaient conjointement sur un projet. Le but était de répondre à deux aspirations de l’industrie : avoir meilleure prise sur la consommation énergétique des machines et éviter les temps d’arrêt non planifiés dus à des pannes de moteurs à courant alternatif. Cela se déclinait par une première ébauche des solutions qu’ils planifient de mettre en œuvre aujourd’hui. Elles sont applicables pour toutes les machines entraînées par des moteurs électriques asynchrones triphasés comme les pompes, les compresseurs, les ventilateurs …
Analyse des signaux électriques
« Par rapport aux solutions classiques de surveillance de l’état, nous ne monitorons pas les vibrations, la température ou l’analyse de l’huile, mais nous observons ce qui se passe électriquement. Le capteur, un développement entièrement interne, capture les données des signaux électriques d’un moteur et les envoie à notre plate-forme », explique le PDG Francaux. Cette plate-forme, RED (Rotating Equipment Diagnosis), est au cœur de la solution. Les algorithmes d’IA développés en interne font le monitoring de ces signaux pour détecter les pannes à venir des semaines, voire des mois à l’avance. « Ces informations sont intégrées dans des tableaux de bord en temps réel pour les utilisateurs. Dès qu’une anomalie est détectée, ils reçoivent une notification. De cette manière, ils ont encore suffisamment de temps pour élaborer un plan d’action et faire appel aux experts appropriés avant qu’il n’y ait un arrêt non planifié », ajoute le CTO Verbeek. Ils cochent ainsi le volet maintenance prédictive. En parallèle, ils abordent avec RED l’aspect optimisation énergétique dans l’industrie. « En surveillant en permanence les données des courants électriques entrant et sortant des machines, plusieurs enseignement peuvent en être tirés. Sur cette base, nous pouvons faire des recommandations pour optimiser la consommation d’énergie se déclinant par une facture énergétique inférieure et une empreinte CO2 réduite.
La puissance dans la simplicité
La force de la solution réside en réalité dans sa simplicité. Les capteurs qui récupèrent cette richesse d’informations sont directement intégrés dans l’armoire de commande et ne nécessitent donc pas de batterie. « Vu que le capteur – un seul suffit par machine, le prix serait prohibitif sans cela – n’a pas besoin d’être connecté à la machine, nous pouvons proposer une solution abordable aux entreprises. L’intégration dans l’armoire de commande fait également de RED une solution pour la surveillance de l’état des machines dans les zones ATEX ou dans les applications sous-marines. Les mesures de vibrations sous-marines ne sont jamais une option. Et cette simplicité permet également de monter très facilement en puissance. Avec un seul capteur par machine, il est même possible de garder une vue d’ensemble de 1.000 actifs. » Depuis le lancement officiel en 2019, Insens a construit trois prototypes déjà usités dans l’industrie. En moins de 30 minutes, une machine en est équipée et prête à être monitorée. L’année dernière, la technologie a été testée et validée par de grands noms. Ces vastes projets pilotes menés chez TotalEnergies, Lhoist et Knauf visaient à rendre RED complètement industriel et commercialisable. Waterlot : « Nous avons réduit de moitié la consommation d’énergie de certaines machines, réduisant ainsi directement les émissions de CO2 pour les clients. »
La crédibilité garante de croissance
Le succès des phases pilotes auprès des premiers clients a permis à Insens de se préparer pour l’avenir : un effectif doublé (treize salariés entre-temps), de nouveaux bureaux plus spacieux et un business case solide pour le financement. Un cocktail énergique. Forte de cette confiance acquise grâce aux projets pilotes, l’entreprise souhaite accélérer dès cette année la commercialisation de sa solution sur un marché en constante expansion. Francaux souligne l’importance de ces collaborations : « La crédibilité que nous accordent nos partenaires industriels sur les salons, bien connus du grand public, est inestimable. Cela inspire confiance à nos clients actuels et futurs, qui considèrent notre solution comme durable, rentable et sérieuse pour leur entreprise. »
Des projets précis pour 2024
L’équipe prépare depuis plusieurs mois les projets pour de nouveaux clients qui souhaitent utiliser le système RED conçu par Insens ; une production importante de capteurs est planifiée pour répondre à leur demande. D’ici 2024, des centaines de nouveaux capteurs auront déjà été installés sur de nouveaux sites industriels, tandis que d’autres viendront s’ajouter pour les partenaires en phase pilote. Après une première levée de fonds d’un montant total de 1,2 million d’euros en 2022, la start-up de Louvain-la-Neuve réitérera prochainement l’opération pour conquérir les pays voisins et accompagner sa croissance. Les fonds levés il y a deux ans ont permis le développement technique de la solution et la signature de plusieurs contrats majeurs. Insens ambitionne désormais d’étendre son territoire et de proposer ses capteurs à une nouvelle clientèle étrangère, accélérant ainsi son développement international dans les années à venir. La société compte pour cela sur 1,5 million d’euros. Cela signifie également prendre des mesures vers davantage d’automatisation.
Méthode de détection par RED des dysfonctionnements
Lorsqu’un défaut tel qu’une cavitation, un désalignement ou un dommage aux roulements se produit, des vibrations sont générées à l’intérieur de la machine ; elles se propagent tout au long de la transmission jusqu’au moteur. Ces vibrations affectent le volume d’air dans l’entrefer du moteur, entre le rotor et le stator, et perturbent le champ magnétique. Ces perturbations auront à leur tour un effet spécifique sur la signature des signaux de tension et de courant. RED surveille ces signaux 24h/24 et 7j/7 et les teste par rapport à l’image d’une machine ‘saine’. Ils sont analysés, entre autres, en appliquant une transformée de Fourier (une transformée intégrale linéaire qui décompose une fonction en un spectre continu de fréquences). Une solution convenant extrêmement à la détection des variations de comportement des machines. En outre, une carte thermique est également créée qui affiche le spectre de fréquences dans un seul graphique ; les données sont ainsi plus faciles à interpréter pour les ingénieurs. Le logiciel alerte les experts Insens qui fournissent ensuite un retour d’information au client pour recommander les actions et les tâches de maintenance correctes ; l’impact sur les activités de production est ainsi limité au maximum. Sur la plate-forme RED, les utilisateurs disposent d’un aperçu de toutes leurs machines, de leur état de santé en temps réel et de leur consommation d’énergie.