L'ENTRAÎNEMENT  
Maintenance Magazine 164 – mai 2024

Comment éviter les dommages aux roulements à billes dus aux courants vagabonds ?

Les moteurs électriques peuvent être considérés comme l’entraînement le plus couramment utilisé pour une large gamme de machines. Pour les rendre encore plus économiques (qu’avec les circuits étoile-triangle classiques), ils sont souvent accompagnés d’un variateur de fréquence qui permet un meilleur contrôle de la vitesse. C’est parfaitement en phase avec les efforts de l’industrie visant une plus grande durabilité. Il y a pourtant un revers à la médaille. L’arrivée des variateurs de fréquence a également accru le problème des courants vagabonds et donc le risque d’endommagement des roulements à billes. Nous approfondissons ici les solutions qui aident à prévenir ces dommages.

Par Valérie Couplez

Commençons par examiner l’origine de ces courants vagabonds. Leur apparition est liée à l’asymétrie du champ magnétique dans le moteur électrique. En théorie ce n’est pas le cas, en pratique, oui. Le phénomène est dû à des procédures et des limitations lors de la production ou à des choix conscients du concepteur. Cette asymétrie induit une tension alternative aux extrémités du rotor, la tension d’arbre, qui varie entre 10 mV et 1 V avec un spectre de fréquence spécifique allant jusqu’à environ 1 kHz. Si l’on court-circuite les bouts d’arbre avec un câble de 2,5 mm², un courant de court-circuit sera mesuré de l’ordre de 10 mA à 10 A. Ce n’est pas un phénomène exceptionnel, presque toutes les machines électriques en sont victimes. Cela n’impacte pas non plus le bon fonctionnement de la machine, sauf si des courants vagabonds de 100 mA ou plus se produisent. Des dommages au roulement se produiront alors inévitablement.

Coating ou brosses de mise à la terre

La solution classique pour cela était de choisir un roulement isolé interrompant le circuit. Les roulements ont ensuite été revêtus d’un coating de quelques µm d’épaisseur sur le pourtour de la bague extérieure ou dans l’alésage de la bague intérieure ; il assure ainsi une protection contre les dommages dus au courant électrique. Cela peut s’appliquer aux deux roulements, mais parfois seul le roulement du côté opposé à l’entraînement a été choisi. Le revêtement appliqué par les fabricants de roulements à billes est souvent à base de trioxyde d’aluminium ; c’est un matériau céramique isolant facile à traiter mécaniquement aux mêmes coefficients de dilatation que l’acier et d’une bonne conductivité thermique. Comme alternative aux roulements revêtus, les modèles hybrides offrent également une solution. Ils sont fabriqués en nitrure de silicium, un matériau extrêmement dur, résistant et dimensionnellement stable. Et, point important dans ce contexte-ci, le nitrure de silicium est un isolant électrique. La troisième option consiste à introduire des brosses de mise à la terre en parallèle sur les roulements. Ceux-ci dévient le courant du roulement. Moins il y a de résistance de transition entre les brosses de terre et l’arbre du moteur (par rapport à la résistance interne du roulement), plus le courant est dévié. Ces roulements sont nettement moins chers que ceux qui sont isolés, mais ils requièrent toutefois de l’attention. S’il y a de la saleté, de la graisse ou de la corrosion sur l’arbre, la résistance de transition entre les brosses et l’arbre augmentera à nouveau, ce qui entraînera une augmentation du courant traversant les roulements. Ils méritent donc une attention particulière lors de la maintenance préventive.

Le variateur de fréquence cause de courants vagabonds supplémentaires

Le problème était en fait relativement bien maîtrisé grâce à ces solutions préventives, notamment pour les petits moteurs. Jusqu’à ce que le variateur de fréquence devienne de plus en plus populaire dans l’industrie. La symétrie souhaitée est complètement hors de propos ici : le variateur de fréquence commute en permanence une tension continue entre les enroulements triphasés du moteur pour atteindre la vitesse souhaitée. En raison du fort couplage magnétique entre le stator et le rotor, une différence de tension est induite aux extrémités de l’arbre du rotor lors de la commutation : la tension d’arbre. Le courant peut désormais circuler à travers l’arbre, le châssis du moteur et les roulements à billes. Certes, les nouvelles générations qui fonctionnent à des fréquences de commutation plus élevées (20 kHz) ont commencé à causer davantage de problèmes avec les roulements. Cette haute fréquence détruit en fait les propriétés isolantes du film de lubrifiant ou d’huile. Au lieu de cela, elle agit comme un condensateur conducteur, ce qui entraîne des tensions d’arbre à haute fréquence résultant en davantage de dommages aux roulements. Le phénomène se présente généralement rapidement : après 1.000 à 10.000 heures de fonctionnement déjà. La vitesse de rotation joue un rôle. Même si les tensions restent faibles à basse vitesse, elles ont encore d’autant plus d’impact car le film d’huile est plus fin qu’à haute vitesse.

Introduction d’une mise à la terre commune supplémentaire

Pour lutter contre ces courants vagabonds, les roulements isolés et les brosses de terre ne suffiront plus. En effet, un courant alternatif s’établit en raison des tensions de crête présentes. Isoler un roulement n’est alors plus suffisant, pas plus qu’isoler les deux roulements. L’isolation agira alors comme un condensateur ; provoquant l’accumulation de tension continue jusqu’à ce que le condensateur se décharge à travers l’isolation. Et le réseau sera un conducteur idéal pour le courant alternatif. Ce qui est une solution, c’est une mise à la terre commune du moteur et du variateur de fréquence. Commune, car une différence de potentiel d’environ 30 V peut encore être mesurée entre deux connexions. Un câble d’alimentation CEM peut remédier au problème. Optez pour un câble de terre toronné car il présente plus de surface qu’un conducteur massif.

Ajout d’un filtre de mode commun

Étant donné que la cause du problème réside aujourd’hui principalement dans le variateur de fréquence, il est préférable de combattre les symptômes à la source. L’utilisation d’un filtre de mode commun (choke) est de plus en plus prescrite. Il s’agit d’un noyau de ferrite d’un matériau hautement magnétique, à travers lequel passent les trois phases du câble d’alimentation entre le moteur électrique et le variateur de fréquence. Faire le montage le plus près possible du variateur de fréquence. Si un courant de fuite circule vers la terre ou si une différence apparaît entre les courants triphasés, le filtre de mode commun générera un champ magnétique dans le noyau de ferrite pour amortir la différence. Des filtres de mode différentiel supplémentaires (un anneau de filtre monté séparément sur chaque câble de phase) peuvent aider à réduire encore davantage les variations. Dans le passé, ils n’étaient utilisés que pour des puissances supérieures à 500 kW ; seulement, en raison de la commutation de plus en plus rapide des derniers régulateurs de fréquence, cette limite a été revue à la baisse.

Comment détecter les dommages causés par les courants vagabonds ?

Le courant vagabond provoque des dommages très typiques aux roulements à billes. Une érosion électrique ou un arc électrique se produit lorsque le courant circule d’une bague à l’autre ou à travers les billes. La quantité d’énergie et sa durée auront un impact sur l’ampleur des dégâts causés. Mais le résultat est généralement le même : corrosion par piqûre des billes et des chemins de roulement, détérioration rapide du lubrifiant et défaillance prématurée du roulement.