CORROSION
Maintenance Magazine 161 – septembre 2023
Comment réveiller des lignes de production en toute sécurité
Le placement de boules de naphtaline (mothball) dans les armoires par nos grands-mères permettait de préserver les vêtements. Il n’est pas surprenant que le terme ‘mothballing’, par analogie, apparaisse en maintenance. Il fait référence à la désactivation, au stockage et à la préservation d’installations en vue d’un usage ultérieur. En raison de circonstances économiques ou autres, certaines entreprises sont obligées d’arrêter des lignes de production ou des installations entières pour de longues périodes. Il est alors important de prendre les bonnes mesures afin d’éviter des problèmes coûteux ultérieurement. Un entretien avec Bernie Price, spécialiste en la matière.
Son expérience dans la mise en veilleuse d’installations a commencé sur les plateformes pétrolières. Plus tard, il a vu les pièges que les entreprises chimiques pouvaient rencontrer en n’accordant pas assez d’attention à cet état. La multinationale pour laquelle il travaillait a décidé d’arrêter temporairement une des lignes de production. Lorsque la remise en service fut programmée quelques années plus tard, il manquait environ un tiers des pièces (instrumentation, pompes …). « Quand quelqu’un de la production avait urgemment besoin d’une pièce critique, il venait et se servait. »
Responsabilités et procédures
Bernie Price ne compte plus le nombre d’installations qui n’ont pas été suffisamment nettoyées et entretenues lors d’un arrêt. « Cela repose sur la logique erronée selon laquelle les dépenses doivent être réduites à zéro s’il n’y a pas de recettes directes », explique-t-il. Des incidents de ce type lui ont fait comprendre que des responsabilités doivent être attribuées et que des procédures doivent être mises en place pour parvenir à une approche structurée de la mise en veilleuse. Lors de la crise pétrolière de 1997, certaines plateformes pétrolières n’étaient économiquement plus viables. Les procédures et la méthodologie qu’il a appliquées se sont révélées efficaces dans d’autres secteurs. Elles ont été partagées avec diverses organisations. Price en a finalement fait son métier en fondant Polaris Veritas, non seulement pour la mise en veilleuse mais aussi pour accompagner les entreprises dans l’amélioration de la fiabilité de leurs processus et de leurs installations.
Menaces
Bien que les problèmes soient complexes et diversifiés, il existe des outils et des techniques adaptés à chacun d’entre eux. La réduction optimale des dommages et de la corrosion au coût le plus bas possible dépend d’une estimation correcte de la durée de l’arrêt. « La principale préoccupation est de maîtriser la corrosion. Qu’il s’agisse d’équipements mécaniques ou électriques, ou de systèmes de traitement de liquides, de vapeur ou de gaz. La corrosion a plusieurs causes. Dans les installations à l’arrêt, les fluctuations de température et de condensation sont plus importantes. De plus, des mauvaises herbes peuvent commencer à pousser ou des parasites peuvent apparaître. Cela peut se produire rapidement si certaines conditions sont réunies. Des inspections de routine sont donc essentielles. Une installation bien conservée ne coûte qu’un maximum de 5% de ce que vous paierez pour un remplacement. Lors du redémarrage d’une installation dont la mise en veilleuse n’a pas eu lieu dans les règles de l’art, le coût peut atteindre 20%. Et c’est souvent un point de rupture. » La maintenance ne doit pas se limiter à la réalité physique. « Tenez compte du renouvellement des permis et des licences. Il faut souvent plus d’efforts pour en obtenir que pour les renouveler. »
Les scénarios possibles
À quoi doit ressembler un plan d’action ? « Les deux plus grands ennemis sont la corrosion et la moisissure. Tout dépend des conditions locales et du microclimat. Donnez à un collaborateur la responsabilité et le pouvoir d’évaluer tous les scénarios possibles et d’implémenter la stratégie choisie. Mettez-y également les moyens. Non seulement pour l’arrêt initial mais aussi pour la stratégie de préservation. Il faut parfois faire preuve de persuasion … » Price insiste également sur l’implication des techniciens et des opérateurs. « Ils peuvent améliorer la qualité et l’exécution. Pour la maintenance à long terme, il est important de faire appel à des personnes possédant les compétences et connaissant bien les machines. Prenez des photos de la situation existante. Si les installations sont très anciennes, étudiez le coût d’une mise à niveau avant de dépenser de l’argent en maintenance. Discutez également avec votre compagnie d’assurance des implications sur le risque et sur votre police. »
Méthodologie pour une approche structurée
En ce qui concerne les pratiques de maintenance proprement dites, Price recommande d’élaborer une méthodologie de mise en veilleuse spécifique à chaque actif. « Gardez-en une trace et indiquez ce qui a été fait pour préserver un actif particulier lors de la désactivation. Des programmes de sécurité et des audits de routine tous les trois à six mois permettent d’éviter les incidents. N’oubliez pas que l’équipe qui relancera l’installation ou la ligne ne sera probablement pas la même. L’absence d’un filtre ou d’un composant interne peut facilement être négligé, avec tous les conséquences possibles lors d’un démarrage ultérieur. »
Une maintenance régulière implique des tests réguliers des équipements. « Pour certains installations, comme les chaudières, c’est même une obligation légale dans la plupart des pays. En outre, il est essentiel d’éliminer les matériaux dans les processus. « Même les matériaux les plus inoffensifs laissés dans une installation peuvent entraîner des coûts à long terme », ajoute-t-il. Trouvez des experts qui peuvent vous donner de bons conseils pour préserver des machines spécifiques. Vous pourrez ainsi rentabiliser votre investissement. »
Prévenir la corrosion
Lorsque la température et l’humidité changent, les installations commencent à respirer. « Le principal responsable de cette détérioration progressive est la corrosion galvanique. Pour cela, il suffit d’un milieu conducteur, d’un électrolyte ou de l’oxygène. En éliminant l’un des trois éléments de l’équation, vous pourrez lutter contre l’usure. Bref, séparez autant que possible les surfaces métalliques dissemblables, séchez ou neutralisez les milieux conducteurs et éliminez l’oxygène et les sources de corrosion chimique ou biologique. Par exemple, ouvrez les vannes car elles contiennent souvent différents métaux. » La corrosion ne se produit que lorsque l’humidité relative ambiante reste inférieure à 40%. « L’utilisation d’agents déshydratants ou de gaz est préférable à celles des revêtements protecteurs. N’utilisez la cire de protection et les revêtements liquides en PVC que lorsque les coûts l’exigent. Pour les systèmes de lubrification à l’huile, les concentrés VSI (vapour space inhibitors) peuvent être envisagés.
Sec, propre et couvert
Une bonne protection des machines individuelles consiste à utiliser un film plastique rétractable contenant des dessiccants. « Il faut d’abord bien les nettoyer et les sécher. Il est important que les réservoirs, les cuves sous pression et la tuyauterie soient aussi propres et secs que possible. Pour les systèmes contenant des fluides corrosifs qui ne peuvent être vidangés efficacement, des substituts chimiques de l’oxygène à ajouter à l’eau douce sont disponibles. »
D’après une interview publiée dans la newsletter Asset Performance