CORROSION  
Maintenance Magazine 159 – mars 2023

De meilleures pièces suite à la projection thermique

Nous remplaçons essentiellement une pièce usée par une identique. Cette approche est actuellement remise en question. Le prix des matières premières grimpe régulièrement et l’empreinte écologique est aussi à tenir à l’œil. La réparation est fréquemment l’alternative adéquate, une étape plus loin est cependant possible : la projection thermique ne répare pas uniquement, elle améliore également l’installation. En outre, c’est également d’application pour les nouvelles pièces.

Par Sammy Soetaert.

La technique de pulvérisation trouve ses origines dans le secteur aéronautique. Deux aspects sont primordiaux dans ce secteur : poids et fiabilité. La projection thermique est la réponse à cette problématique. Les pièces par exemple, sont pourvues d’un substrat en titane, un matériau léger et pourtant très résistant. Lors des réparations, une analyse de défaillance de la pièce en question est effectuée et la résistance à l’usure est contrôlée. Sur cette base, un matériau idéal peut être sélectionné pour effectuer la réparation. Au cours du process, des gouttelettes de matériau fondu sont pulvérisées sur un substrat en utilisant l’une des nombreuses techniques de pulvérisation. Le matériau à pulvériser peut être de la poudre ou du fil. Les gouttelettes minuscules d’un diamètre allant de 1 à 100 µm sont vaporisées à grande vitesse sur le substrat pour y former un revêtement. L’objectif est évident : prolonger la tenue de l’outil, réduire les coûts et améliorer la durabilité.

Différence avec le soudage

Lors du soudage, des couches additives sont soudées sur le substrat, de sorte que le matériau disparu est progressivement remplacé. En d’autres termes, il n’y a aucune liaison métallique entre le matériau d’origine et les couches soudées. Ce qui est bien le cas en projection thermique. Le fait d’atomiser des particules métalliques à grande vitesse, crée pour ainsi dire un tout avec la pièce d’origine. Cela représente toutefois un inconvénient et un avantage. En effet, un usinage ultérieur (le perçage par exemple) n’est pas toujours possible suite au process. Ce que le soudage permet. L’avantage, d’autre part, est qu’aucune déformation ne se produit, car aucune contrainte ne survient en raison de l’apport de chaleur. De ce fait, avec la projection thermique, il est également possible de travailler sur des épaisseurs de tôles très limitées, sans modifier les propriétés de base du matériau. Des résistances élevées pour des épaisseurs limitées découlent généralement de cette propriété.

Diverses combinaisons de matériaux

L’un des avantages supplémentaires de la projection thermique est la combinaison de matériaux choisies par l’utilisateur. Inox sur acier, cuivre sur acier, aluminium sur cuivre, aluminium sur inox... Des matériaux non métalliques peuvent également être utilisés pour obtenir un meilleur résultat final. Dans les voitures de course, par exemple, les disques de frein sont dotés d’une couche de céramique au moyen d’une projection thermique, améliorant les propriétés au freinage. Et cela nous amène en toute transparence à l’utilisabilité de la projection thermique pour les applications de maintenance : et si nous sélectionnions le revêtement de manière à ce que la pièce à traiter devienne meilleure que l’originale ? Plus fort encore, que se passerait-il si nous analysions minutieusement notre application et développions un revêtement idéal sur la base de ces résultats ?

En fonction des modèle d’usure

Frederik Blancke d’Uptimise : « La projection thermique est idéale pour les pièces à usure intense et qui doivent être rendues plus résistantes à cette dernière. L’astuce consiste à reconnaître le modèle d’usure et à sélectionner l’alliage idéal en conséquence. Faut-il un revêtement standard ou un sur mesure. C’est un vrai travail de spécialiste. Les opportunités sont légion. Il existe par exemple un revêtement dont la dureté s’accroît à températures croissantes, ce qui est à l’opposé des propriétés de nombreux métaux. Les domaines d’applications sont les chaudières, les installations de biomasse ou encore, la métallurgie. Le comportement thermique n’est bien sûr pas le seul facteur. Souvent, prolonger la durée d’utilisation de l’outil est le but ultime. Pour y parvenir, il convient d’examiner les trois principaux facteurs d’usure : corrosion, érosion et abrasion. Le modèle d’usure est essentiellement une combinaison de plusieurs de ces facteurs. Les résultats finaux ? on peut les qualifier d’excellents. Une prolongation de la durée de vie utile d’un facteur de deux à trois est plutôt standard ; souvent des résultats encore meilleurs sont attendus, jusqu’à 50 fois plus longtemps. Il s’agit souvent d’un processus par étapes ; nous affinons en permanence l’ensemble afin d’obtenir une longévité plus importante de l’outil. C’est pourquoi la connaissance du process en production du client est d’importance vitale. Données historiques, types de défaillance du passé, autres solutions essayées, conditions sur site... »

Matières de spécialistes

En principe, la technique est d’application fort large ; en fait, dans tous les secteurs où l’usure joue un rôle majeur. Elle nécessite non seulement une connaissance approfondie des alliages et des revêtements, mais également celle de l’équipement approprié. Dans la plupart des cas, les entreprises travailleront donc avec des sociétés spécialisées qui disposent des machines et de l’expertise requises pour travailler qualitativement. Dans certains cas, la technique peut également être exécutée sur site. Par exemple, pour des pièces inamovibles ou si le temps disponible est trop limité pour transférer la pièce en question à l’atelier. Les points d’attention dans ce process sont que la pièce doit être sèche et exempte de graisse et d’autres salissures afin d’optimiser l’adhérence.

Points d’attention

Avec la projection thermique, les couches ne sont pas liées métalliquement. Le matériau d’origine et le matériau pulvérisé n’ont souvent pas le même coefficient de dilatation. Ce process est donc moins recommandé pour les applications à très hautes températures. Idem pour les applications aux impacts extrêmes (brise-béton, par exemple) pour lesquelles cette technique est moins adaptée. Finalement, la projection thermique a aussi un certain coût. Elle est parfois plus onéreuse qu’un remplacement à l’identique par une pièce neuve. Les meilleures propriétés après projection thermique (durée de vie par exemple) doivent donc être mises en balance avec les avantages d’une pièce neuve.

Aussi pour les nouvelles pièces

Outre la réparation et l’amélioration des pièces, la projection thermique peut également être utilisée pour les pièces neuves. Matthieu Vuylsteke de De Beleyr Engineering : « Réparer, c’est bien, mais dans certains cas, il peut aussi être envisagé d’utiliser la projection thermique lors de la fabrication de la pièce. Quelques exemples Un client possède une énorme machine dans laquelle tourne un rouleau d’un mètre de long. Deux jours ouvrables sont déjà requis pour démonter le colosse. En appliquant une fine couche (0,2 mm) de, par exemple, du carbure de tungstène sur la pièce par projection thermique, le démontage peut être reporté à beaucoup plus tard. Sans revêtement, le rouleau serait remplacé et rebuté au bout de trois mois. Grâce au revêtement, la longévité passe facilement de cinq à six ans et en outre, une couche supplémentaire peut également être appliquée. En principe, l’entreprise pourrait également utiliser un matériau de base plus résilient pour ce rouleau, mais le prix deviendrait vite prohibitif. » Un deuxième exemple concerne les poutres métalliques livrées récurremment pour réparation par projection thermique. « Depuis peu, le client a décidé de traiter ses nouvelles poutres de manière préventive, tellement est-il convaincu de l’utilité de cette méthode. »

Les opportunités sont légion

« C’est pourquoi je veux plaider pour la projection thermique », poursuit Vuylsteke. « Pour beaucoup, la technologie est encore terre inconnue, et c’est regrettable. Car les opportunités sont vraiment multiples. Il est ainsi possible d’arriver à des propriétés très spécifiques. Rendre les pièces plus électriquement conductrices ou plutôt accroître le diélectrique. Étanchéité accrue, meilleure résistance à la corrosion, pure résistance à l’usure... la liste est interminable. Nous avons traité pour une équipe de course de bateaux à moteur F1 l’arbre de transmission. Il se composait à l’origine de titane de qualité supérieure, une matière première extrêmement chère. Un arbre ne coûtait pas moins de 10.000 euros. Hélas, en raison des vitesses et de la charge pendant la course, l’arbre s’endommageait à la fin de chaque course. Nous avons traité cette pièce et lui avons appliqué un revêtement. Désormais, jusqu’à sept courses peuvent être courues avec la même pièce. Calculez le gain. De nouveaux revêtements arrivent chaque jour sur le marché et il existe en principe une solution adaptée à chaque application. Ceci s’applique également au remplacement d’une couche de chrome dur, ce qui sera interdit pour les applications industrielles. Pratiquement tous les matériaux peuvent également être traités. Seules les pièces trempées ne devraient de préférence pas être traitées par projection thermique. »

Diverses sous-techniques

Grosso modo, quatre techniques se distinguent : pulvérisation à la flamme, pulvérisation à fil électrique, pulvérisation à grande vitesse (HVOF) et projection au plasma. La technique de projection à froid ‘cold spray’ fait également partie du domaine de la projection thermique, mais elle est de moindre intérêt pour la maintenance. La pulvérisation de fil par flamme ou autogène : un matériau sous forme de fil, via un moteur électrique ou pneumatique est guidé au travers un pistolet de pulvérisation et est fondu au centre par un mélange gaz-oxygène incandescent. Par la suite, le matériau fondu est vaporisé par de l’air comprimé sur le substrat pour y former un revêtement qui améliore les propriétés du produit. La pulvérisation de fil électrique est une forme de projection thermique fréquemment utilisée pour les réparations des bouts d’arbre, des paliers de roulement ou pour la protection contre la corrosion des ponts et des écluses. Deux fils électriquement conducteurs sont déplacés à travers un pistolet pulvérisateur. Un arc électrique est provoqué entre les extrémités des deux fils, les faisant fondre. Le matériau fondu est transporté par air comprimé vers le substrat sur lequel il dépose une couche de revêtement. La pulvérisation à grande vitesse (High Velocity Oxygen Fuel) se distingue par le fait que les particules de poudre sont pulvérisées sur la pièce à traiter à une vitesse très élevée et à une température relativement basse. L’oxygène est mélangé à du kérosène sous haute pression dans la chambre de combustion du pistolet, ce qui produit une flamme de célérité extrême (Mach 2 - 7). La poudre est injectée sous pression dans le jet concentrique, ce qui lui communique une vitesse élevée (Mach 1 - 2) et la chauffe également. L’énergie cinétique projette les particules de poudre avec une force d’impact qui la font adhérer à la surface. Le résultat se décline par une couche dense, homogène et libre de pores. En raison de la vitesse d’impact élevée, la force de liaison est excellente. Le processus de pulvérisation par projection au plasma repose sur la création d’un plasma (5.000 °C à 20.000 °C ) généré par une décharge électrique dans un gaz rare. Cela permet de pulvériser pratiquement tous les matériaux, dont les oxydes et les céramiques entre autres. La forte lumière UV générée par l’arc du plasma est caractéristique de ce process. La couche créée présente un degré élevé d’adhérence, d’homogénéité, de résistance et de pureté sur la pièce.