INFRASTRUCTURE  
Maintenance Magazine 153 – septembre 2021

Incrémentation du niveau de gestion des tunnels

Les tunnels sont de grandes structures complexes aux défis multiples en termes de maintenance et de prévention des accidents. Le monitoring et la planification de la maintenance deviennent donc inconcevables sans digitalisation. Silvia Gioja, qui est en charge de la cartographie numérique de tous les tunnels flamands, explique.

Gioja est née en Italie, où elle a étudié et commencé sa carrière. Elle est diplômée cum laude Building Engineering-Architecture EU de l’Université Sapienza de Rome. Elle y a travaillé avec plusieurs entreprises, telles qu’une société basée à Rome impliquée dans le grandiose projet de métro de Doha (Qatar). Après être devenue coordinatrice BIM, Gioja a rejoint l’équipe infrastructure d’Arcadis Belgique où, outre les routes et les ponts, son activité se focalise sur les tunnels. Chez Arcadis, elle a évolué vers le rôle de BIM Manager (Building Information Modelling). En février, elle a été promue BIM Lead Infrastructures chez Arcadis Belgium.

Quelles sont les tâches et les responsabilités dans votre emploi actuel ?

« Dans mon rôle de responsable BIM & Digital Twins Lead of Infrastructures, je travaille sur la normalisation non seulement au bureau mais aussi à un niveau supérieur en développant les meilleures pratiques, les lignes directrices, les modèles … avec des collègues travaillant dans différentes disciplines ou régions. Cette fonction implique une vision plus large des politiques et stratégies BIM qui sont la référence du BIM infrastructure pour l’ensemble d’Arcadis Belgique. D’autre part, dans mon rôle, je travaille sur les processus de projets à Anvers et en Flandre. Une attention particulière est portée à la qualité du produit et à la coordination entre les disciplines. À ce poste, non seulement sont requises des compétences techniques, mais également des talents en communication et relationnels. Je gère une partie de mon groupe à distance, ce qui nécessite une bonne approche du travail en équipe. D’ailleurs, la plupart de mes collègues et clients sont flamands, il était donc essentiel pour moi d’étudier le néerlandais. »

Quels sont les principaux défis en gestion de tunnels ?

« Les tunnels ont souvent une géométrie complexe, exigeant des techniques et des matériaux différents. En Flandre, 24 tunnels sont de longueur supérieure à 200 m. Chaque tunnel a ses propres caractéristiques en termes de taille, de structure spatiale, de technique de construction, de fonction, d’aménagement, de qualité de l’information ... Ils sont généralement construits en lien étroit avec l’environnement, ce qui se décline par des conditions équivoques. Finalement, la sécurité est toujours un point d’attention crucial dans la gestion des tunnels. »

Comment la digitalisation peut-elle faire la différence dans la planification de la maintenance ?

« Le génie civil et la maintenance des infrastructures sont inconcevables sans la digitalisation. Le BIM est d’importance fondamentale car la technologie offre une qualité de conception supérieure, plus d’efficacité, une meilleure planification, une transparence et une sécurité accrues. Le BIM facilite des activités telles que la modélisation, l’ordonnancement, la gestion des opérations, le Facility Management et l’analyse des coûts. Avec le BIM, une réduction jusqu’à 17% du coût total des actifs peut être obtenue. Des outils avancés tels que la réalité virtuelle et augmentée, l’IdO et le jumeau numérique font passer le BIM au niveau supérieur en permettant toutes les simulations possibles d’événements réels. Nous pouvons par exemple créer un modèle 3D d’un pont et l’alimenter avec les données de capteurs qui détectent les dommages. On peut ainsi suivre en temps réel l’évolution des dégâts ou simuler le degré d’encombrement en sortie de tunnel ou même un accident dans ce dernier. Dans tous ces cas, nous planifions des scénarios d’intervention ou des actions préventives. De nombreuses applications numériques peuvent être intégrées au modèle, augmentant le niveau de maturité. Les avantages culminent dans le BIM de niveau 3, exploitant tout le potentiel de la digitalisation pour améliorer les performances des actifs tout au long de leur cycle de vie. »

« Les tunnels ont souvent une géométrie complexe, exigeant des techniques et des matériaux différents. »

Quelle est votre mission dans les tunnels flamands en termes d’entretien et de rénovation ?

« Arcadis a été mandaté par l’Agence flamande des routes et de la circulation (AWV) pour cartographier numériquement vingt tunnels flamands. Je dirige une équipe qui réalise des modèles 3D et de RV des tunnels. Ils soutiennent une meilleure gestion des tunnels. Ils aident en effet à identifier les problèmes en temps opportun et à surveiller les tunnels tout au long de leur cycle de vie. Cela permet une planification de la maintenance à long terme. Ce projet de cartographie est un titanique.

7.000 plans et nuages de points servent à modéliser la situation existante. Non seulement nous créons des modèles 3D, nous intégrons également des modèles BIM avec des données SIG et nous attribuons ses propriétés à chaque objet dans un tunnel. Les clashes (interférences entre une poutre et une canalisation) sont traités d’une part avec des outils de détection de conflits et de gestion des problèmes d’autre part. Avec ces méthodes, la qualité est assurée jusqu’au niveau du détail. »

Quelle était votre mission dans le tunnel Kennedy ?

« D’un point de vue digital, c’était le tunnel le plus complexe et le plus grand que nous ayons dû modéliser. La modélisation de la situation existante a été réalisée sur la base de différents jeux de données. Comme par exemple des nuages de points récents et des plans as-built, dont nous avons dû vérifier la fiabilité. En outre, ce très grand tunnel comprend deux grands bâtiments de service, des canalisations, des sorties et leurs abords. Différentes disciplines sont impliquées dans le modèle (structures, systèmes MEP, égouts, routes) ainsi que différentes équipes qui doivent être coordonnées. De surcroît, le tunnel Kennedy se connecte à l’échangeur routier du Knoop Zuid, dont nous avons également réalisé des modèles BIM. Ensuite, une coordination entre les deux modèles a dû être gérée. Par exemple en ce qui concerne le géoréférencement, les palplanches, les égouts … Nos fichiers BIM contiennent des objets qui ont été modélisés à un certain Level of Development et suivent, si disponible, la bibliothèque de types d’objets de l’AWV. Ils sont hébergés dans un Common Data Environment, conformément aux dernières normes BIM ISO. »