TURNAROUNDS  
Maintenance Magazine 152 – juin 2021

Les révisions à l’ère corona: opportunités et obstacles

La pandémie de corona a eu en 2020 un impact significatif sur le déroulement des projets de révisions. Un impact qui n’allait pas toujours dans le même sens. Il a généré des obstacles dans le planning initial, mais a aussi créé des opportunités.

« L’un des plus grands ‘arrêts’ jamais réalisés sur notre site d’Anvers était planifié avant mai 2021 », lance Werner Van Acker, responsable des arrêts chez Evonik à Anvers. L’entreprise chimique, dont le siège est basé en Allemagne, utilise le terme ‘arrêt’ au lieu de ‘turnaround’. « Des arrêts plus ou moins importants, environ 25 au total, étaient planifiés dans l’année. Ce nombre élevé est dû au fait que le site d’Anvers est un site multi-utilisateurs. » En début d’année, plusieurs fabricants chinois de spécialités chimiques ont arrêté leurs unités de production. « On nous a alors demandé, ainsi qu’à nos concullègues, de fournir plus de produits. Ce fut une opportunité et nous y avons répondu favorablement en reportant les arrêts planifiés à plus tard. » Mais fin février et début mars, il est apparu que la pandémie allait aussi toucher la Belgique. « Nous avons alors été confrontés à des risques supplémentaires et à leur gestion. »

Trois options

« En gros, il y avait trois options pour répartir le risque : ne pas réaliser les activités, les répartir davantage dans le temps et l’espace ou les organiser autrement. » La gestion des risques ne concernait pas uniquement le fonctionnement du site et la sécurisation des collaborateurs face au virus. « Notre planning tenait aussi compte du fait que certains collaborateurs externes ne pourraient pas se présenter et que nous ne pourrions pas recevoir certaines pièces de rechange. Une instruction interne sur le déclenchement d’actions en cas de pandémie est prête depuis vingt ans. Pour la mettre en pratique, il fallait rassembler le groupe de pilotage et les dirigeants d’Evonik. Les diverses mesures ont été ajustées pratiquement en continu. »

La suppression des activités de maintenance n’est pas une option

Supprimer les activités de maintenance planifiées n’était pas une option réaliste. « Parce que de nombreux contrôles et inspections sont liés à des directives légales. Certes, nous pouvions étaler les arrêts sur des périodes plus longues et plusieurs équipes. Dans la pratique, on pouvait donc déployer moins de personnes par jour et par m². Jadis, nous ne faisions cela que pour les activités hautement critiques qui déterminent la durée, comme le changement de catalyseurs et la révision de machines complexes. » Une second option était la communication numérique. « Dans des conditions normales, nos collègues allemands responsables de la surveillance viennent physiquement sur place. Aujourd’hui, ils suivent nos activités numériquement à l’aide de caméras fixées sur nos casques. La connexion vidéo fonctionne dans les deux sens car une petit écran est monté sur les casques. Par ailleurs, la plupart des réunions avaient lieu via des canaux comme Teams ou Skype, ou simplement à l’extérieur. »

“Le covid-19 était un risque supplémentaire à gérer”

Créer de la distanciation

Un compresseur qu’il fallait envoyer vers un atelier externe pour une maintenance et une inspection, a été effectivement envoyé. « Mais cette fois-ci, nos collaborateurs n’ont pas fait le déplacement. » Un autre exemple du fonctionnement adapté fut la mise en service d’une nouvelle installation. « L’ingénieur de projet responsable est resté en Allemagne et s’est consacré aux protocoles, tandis que nous avons effectué les tâches pratiques. » Un problème pratique important, d’après Van Acker, était la création d’une distanciation suffisante. « Il fallait gérer les lieux de restauration, les vestiaires, les conteneurs de bureau, bref garantir une distanciation suffisante pour l’activité. Pour de nombreuses tâches, une présence locale était indispensable. La demande d’emplacements temporaires dans le monde était si importante que l’offre a totalement défini le marché. »

Flandre-Wallonie

« J’ai remarqué que la pandémie en Wallonie a eu moins d’impact sur les révisions qu’en Flandre », souligne Wim Schelfaut, CEO de Maintenance Partners. Il pense que cela a à voir avec le fait que la Wallonie compte plus d’entreprises locales et la Flandre plus de multinationales. « L’effectif interne et les contractants de multinationales sont très internationaux. Le corona a restreint les voyages. Des compromis n’ont pas été trouvés pour l’indemnisation de jours de quarantaine. Certaines entreprises ont fait des choix stratégiques d’arrêter totalement les activités de tiers sur leur site. Les prestataires de services comme nous l’avons bien ressenti. Aujourd’hui, nous sommes en train de rattraper le retard. Nous ne prospectons pas de nouveaux clients pour le moment et nous mettons tout en oeuvre pour servir nos clients existants. »

Une perte temporaire du chiffre d’affaires

« Lors du premier confinement, ce fut très dur. Tant de clients avaient reporté leurs révisions et autres actions de maintenance que notre chiffre d’affaires a chuté de 50% et nous avons été obligés de mettre des collaborateurs au chômage technique. Les prospections étaient toutes aussi difficiles car il fallait passer des contacts physiques aux rencontres numériques. Dans certains cas, ces canaux se sont révélés plus efficaces. Nous nous en souviendrons dans l’avenir. » Maintenance Partners possède un atelier de 15.000 m², suffisant donc pour respecter les mesures de distanciation sociale. « De nombreux employés de bureau ont pu télétravailler », poursuit Schelfaut. « Nos collaborateurs ont suivi scrupuleusement les mesures imposées par le gouvernement. Le gros problème est qu’elles pouvaient changer de semaine en semaine. Nous avons donc nommé un responsable interne pour assurer le suivi des mesures et leur implémentation. Nous avions décidé de suivre l’évolution via une seule source, la plateforme d’Agoria. Cela nous a grandement aidé. »

Koen Mortelmans

International

Werner Van Acker fait partie du groupe de travail shutdowns & turnarounds du Comité européen des producteurs d’éthylène (EEPC). « Globalement, les arrêts planifiés en 2020 dans notre secteur de spécialités chimiques ont pu avoir lieu. Comme chez Evonik Anvers, il y a eu des reports mais ils étaient plus destinés à répondre aux opportunités économiques qu’à la pandémie. De nombreux reports ont aussi eu lieu dans les raffineries. Ils étaient liés à la baisse du prix du pétrole. Certaines entreprises ont acheté énormément de pétrole qui prend une grande partie de l’espace de stockage. » L’ampleur et la sévérité des mesures variaient de pays à pays, selon la culture locale. « La Russie a par exemple été plus rapide avec les shutdowns en raison de la quarantaine.”