SURVEILLANCE D'ÉTAT
Maintenance Magazine 152 – juin 2021
La surveillance ultrasonore de l’état d’équipements de production prévient de longs arrêts machine

Peter Boon (UE Systems) : « Pour la mesure de surveillance d’état des roulements, l’application convient également aux petites entreprises, ne disposant même que d’un seul compresseur. » (Photo UE Systems)

Une formation limitée suffit pour que la mesure soit effectuée par les employés internes. (Photo UE Systems)

La sonde de mesure affiche également la valeur en décibels. (Photo UE Systems)

Un modèle sonore uniforme est un bon signe. (Photo UE Systems)

Benoît Degraeve, directeur commercial chez SDT Ultrasound Solutions (Photo SDT Ultrasound Solutions) : « Les roulements tournant régulièrement consomment moins d’énergie »

Le domaine d’application des mesures par ultrasons s’étend à toute l’industrie, des PME aux multinationales. (Photo SDT Ultrasound Solutions)

Outre la prévention, l’efficacité énergétique est également un motif important pour l’utilisation d’instruments de mesure à ultrasons. (Photo SDT Ultrasound Solutions)
PreviousNextLes entreprises industrielles et artisanales adhèrent de plus en plus à la surveillance de l’état de leur parc machine dans le cadre de procédures de maintenance bien définies. Les équipements de mesure par ultrasons font entre autres partie des solutions fréquemment utilisées. Le coût, la simplicité de mise en œuvre et la versatilité de cette technologie sont ses principaux atouts.
La surveillance de l’état ou la maintenance prévisionnelle des équipements de production, qu’ils soient tournants ou non, contribue directement à limiter les d’arrêts de production inopinés et coûteux. En outre, la collecte régulière de mesures et leur suivi permet d’appréhender l’état de santé des machines et de prévoir des opérations d’entretien dans le cadre d’arrêts de production planifiés. Plusieurs outils de technologie différentes comme l’analyse vibratoire, la thermographie, etc. sont proposées par de nombreux fabricants ou prestataires de service. Souvent associés à des logiciels propres et/ou à des GMAO, ils permettent le suivi de l’état de santé du parc de machines tournantes, principalement. Une méthode alternative et complémentaire basée sur les ultrasons rencontre un succès grandissant.
Que sont les ultrasons ?
Depuis toujours, les mécaniciens en charge de régler les dysfonctionnements sur des machines recourent à l’écoute des sons pour poser un diagnostic ou tenter de le faire. Mais l’oreille humaine ne peut percevoir qu’une infime partie de sons émis par les machines et leurs auxiliaires. Le domaine ultrasonore où les signaux émettent sur des fréquences inaudibles par l’oreille humaine, recèlent d’informations plus facilement interprétable et exploitable. On considère généralement que cette gamme sonore oscille entre 20 et 100 kHz. Chez l’être humain, le seuil d’audition est fonction de l’âge, les jeunes perçoivent un peu mieux les sons aigus que les personnes âgées. Certains animaux, tels que les chiens, les chauves-souris et les dauphins, peuvent percevoir des tons plus aigus que les humains.
Fuites et frictions
Les vibrations ultrasonores dans les domaines d’application qui nous occupent, sont produites par 3 phénomènes physiques ; la turbulence, la friction et l’impact. Ces phénomènes sont produits par de nombreux défauts, les fuites, le manque de lubrification, l’étincelage, les défauts de garnitures, les frottements liés à l’usure, etc. Les domaines d’applications sont variés, la détection de fuites dans les conduites d’air comprimé, de gaz et dans les réservoirs, l’identification de clapets de vannes fuyants, les décharges électriques, mais aussi la vérification du fonctionnement efficace des roulements à billes ou de systèmes hydrauliques. « En effectuant des mesures par ultrasons, on peut notamment identifier de façon précoce les problèmes liés de lubrification cause principale des avaries de roulements », déclare Peter Boon, manager Benelux chez le spécialiste UE Systems. « De plus, la technologie peut s’appliquer de manière polyvalente. Par exemple également pour les roulements à rotation extrêmement lente, pour les composants haute tension et pour le contrôle des fuites de systèmes hydrauliques. En raison de l’effet directionnel des ondes ultrasonores, nous savons exactement d’où proviennent les signaux singuliers. »
Influence de la pandémie
« La mesure par ultrasons est utile pour l’ensemble de l’industrie, des PME aux multinationales », affirme Benoit Degraeve, directeur commercial chez SDT Ultrasound Solutions. « Au début les détecteurs ultrasonores étaient surtout utilisés pour détecter les fuites. Ces 15 dernières années les choses ont fort évolué. Nous remarquons deux types de motivation chez nos clients les plus récents. La première est le choix de la maintenance préventive. Elle permet de prévenir les pannes intempestives des machines tournantes. Une deuxième motivation, plus récente, est le souci d’efficacité énergétique. En effet, outre la chasse aux fuites d’air et de vapeurs qui permettent de substantielles économies d’énergie, les roulements en parfait ordre de marche consomment moins d’énergie que ceux mal lubrifiés ou déjà grippés. Le marché porte une attention toujours plus grande pour cette application car il commence à mieux cerner les enjeux. La maîtrise de la lubrification, allonge la durée des vies roulements, diminue la consommation énergétique et le nombre d’intervention de maintenance. Mais le choix d’utiliser les ultrasons dépend en fait entièrement de la culture d’entreprise des utilisateurs potentiels. La technologie même bien maîtrisée n’offre que peu d’intérêt aux entreprises qui attachent peu ou prou d’importance à la prévention ou à l’efficacité énergétique. Heureusement, du changement est dans l’air. Les associations professionnelles contribuent à l’éducation du marché et à la formation des maintenanciers et de plus en plus d’entreprises s’intéressent aux ultrasons qui peuvent s’appuyer sur des benchmarks ou des normes internationales. La pandémie de la Covid-19 aura amplifié le phénomène. Le chiffre d’affaires de nombreuses entreprises s’est vu diminué, les obligeant à rechercher des moyens efficaces pour réduire les coûts opérationnels. »
Technique simple
« Un aspect intéressant des ultrasons est qu’il s’agit d’une technique très simple, voire intuitive grâce à l’écoute et qui est donc facilement apprise et maîtrisée », dit Degraeve. L’on peut approfondir jusqu’à trois niveaux d’expertise. « Au premier niveau, l’on se limite au diagnostic des problèmes sur la base de la conversion des signaux captés en sons audibles. Le deuxième niveau qualifié d’expert amène à prendre des mesures à intervalle régulier sur base d’un plan de maintenance. Le suivi dans le temps et la comparaison des mesures d’une même machine ou de machines différentes d’un même type permet d’évaluer rapidement et efficacement l’évolution de l’état d’un roulement. Le troisième niveau est celui de l’analyse détaillée comparable à l’analyse vibratoire, à ceci près que cette dernière permettra dans certains cas un diagnostic plus précis requérant néanmoins une formation bien plus avancée et contraignante. Pour effectuer des mesures régulières, une formation d’une ou deux heures suffit. Pour maîtriser le logiciel d’analyse des données, une demi-journée de formation s’impose. Et pour devenir un expert, une semaine de formation est un minimum absolu. »
Aucun spécialiste externe requis
Boon explique également qu’il n’est pas nécessaire d’embaucher des spécialistes externes. « Une formation théorique et pratique d’une journée suffit pour atteindre un niveau d’entrée solide », stipule Boon. « Des connaissances préalables ne sont pas une exigence absolue. Même si une formation en fonctionnement mécanique des roulements et des machines ne peut qu’être probant. » Il existe des cours normalisés de formation générale. « Ceux-ci sont généralement dispensés par des entreprises dédiées à la formation et à l’éducation », poursuit Degraeve. « Nous proposons également un éventail de formations, plus pratiques que théorique. Il s’agit plus d’accompagnement à l’implémentation d’un plan de maintenance basé sur les ultrasons et l’utilisation de nos équipement et de leurs logiciels associés. Nos formations peuvent aussi répondre aux besoins spécifiques de certains clients et se pratiquent généralement sur site. Nous disposons en outre d’une plateforme de formation en ligne où des cours de quelques heures à plusieurs journées sont proposés. »
Valeur de référence
Afin d’estimer quel son est divergent, il est nécessaire d’avoir une ‘bonne’ valeur de référence. « Lorsqu’un roulement tourne correctement, il produit un son uniforme », explique Boon. « Le type d’éléments roulants qu’il contient ou son diamètre ne font aucune différence. La charge et la vitesse ne déterminent pas non plus les paramètres. Dès qu’un “changement” se produit dans un roulement, le son change. Même des dommages microscopiques peuvent produire un grésillement. Lorsque les dégâts sont importants, le niveau sonore l’est aussi. Idéalement, il faut enregistrer le son de valeur de référence lorsqu’un roulement est flambant neuf. Dans la pratique, cependant, c’est rarement le cas car les roulements à contrôler sont déjà utilisés depuis un certain temps. Si la mesure résulte en un son uniforme, c’est déjà bon signe. Nous pouvons également effectuer une mesure de référence en éliminant d’abord (temporairement) le problème éventuel. » Et Degraeve d’ajouter « L’évolution techniques aidante les détecteurs d’ultrasons sont devenus de véritables instruments de mesure. Associé à des capteurs performants et répétitifs, ils assurent l’intégrité des mesures effectuées seules garantes de diagnostics corrects.
La mesure de référence idéale s’effectue lorsque le roulement est neuf.
Son et modèle sonore
« Chaque roulement est unique et possède sa propre valeur de référence. Les mesures supérieures à cette dernière signifient principalement que le schéma de lubrification des pièces rotatives doit être ajusté », signale Degraeve. « À partir de 16 dB, une lubrification supplémentaire ne convient plus. Il y a alors déjà des dommages effectifs, également perceptibles par les vibrations. Les mesures par ultrasons sont incapables d’identifier tous les problèmes de roulement ni de les analyser entièrement. Boon : « On ne peut jamais prédire quelle est la nature réelle des dommages en se basant uniquement sur la mesure sonore. Ceci est lié au nombre de décibels. Les ultrasons, bien qu’inaudibles, ont également une valeur en dB. Un roulement en parfaite rotation n’en génère pas beaucoup. Un autre qui ne tourne pas rond grippe et génère ainsi des décibels. Vous pouvez alors décider, par exemple, de régler un seuil de 8 dB au-dessus de la mesure de référence en tant qu’alarme de lubrification et un autre de 16 dB en tant qu’alarme de dommage. » La signature acoustique joue également un rôle. Un modèle uniforme est un signe de bon fonctionnement, un modèle avec de nombreux pics et creux est synonyme de problèmes.
Limitations
« Le monitoring ultrasonique ne permet pas d’effectuer des analyses approfondies telles qu’en analyses de vibrations. Ces dernières sont plus complexes, nécessitent plus de temps pour leur collecte. C’est plus l’affaire d’analystes expérimentés et donc des tâches laissées à des prestataires de services externes. Il s’agit ensuite de déterminer les causes. « Cette analyse peut stipuler plus précisément quels sont les dommages sur quelles parties du roulement qui sont responsables des indications de défaut », stipule Boon.
Approche normalisée
La bonne mise en œuvre d’une mesure de surveillance d’état par ultrasons nécessite une approche normalisée. Boon : « Cela signifie qu’après la mesure de référence, l’on doit mesurer encore et toujours avec une régularité méthodique au même point de test et avec la même sonde de mesure. Il faut considérer la sonde ultrasonique comme une sorte de radio. Les fréquences, une étroite bande passante, auxquelles nous ajustons cet instrument sont le son que nous entendons. Il s’agit d’obtenir un son aussi clair que possible. Notre équipement convertit les ultrasons en son audible, que nous entendons via des écouteurs. La fréquence recommandée pour mesurer les roulements normalisés est de 30 kHz. Cela signifie que nous recevons le signal le plus clair sur cette fréquence. Pour les roulements lents à très lents, ce niveau est compris entre 30 et 20 kHz. » Degraeve : « Plus que le choix de la fréquence, la fiabilité et la répétitivité des capteurs sont bien plus importants à nos yeux. Nos capteurs sont sensibles à une fréquence de 38,8 kHz. En ignorant les autres fréquences, le signal capté est très clair. Selon la courbe DIPF (Design-Installation-Potential Failure-Failure), les mesures par ultrasons révèlent des problèmes potentiels à un stade beaucoup plus précoce. Lorsque des vibrations se produisent ou que la température d’une machine augmente sensiblement, le défaut concerné est déjà beaucoup plus avancé. De plus les performances d’instruments modernes, notamment en termes d’échantillonnage, permettent aujourd’hui de mesurer des défauts avec une très grande précision, même sur des roulements à basse vitesse. »
Aussi pour les petites entreprises
Les principaux utilisateurs des techniques de mesure par ultrasons sont la pétrochimie, l’agroalimentaire et la logistique. « L’agroalimentaire et la logistique font un usage intensif de bandes transporteuses et de roulements. En pétrochimie, il s’agit principalement de détection de fuites. Le secteur automobile mise également de plus en plus sur les ultrasons à cette fin. « Ce sont des secteurs regroupant des acteurs majeurs, mais pour la mesure de surveillance d’état des roulements, l’application convient également aux petites entreprises, ne disposant même que d’un seul compresseur », affirme Boon.
par Koen Mortelmans