IN THE FIELD
Maintenance Magazine 147 – mars 2020
Comment préserver vos machines du ‘vernis’ ?
Les machines doivent pouvoir fonctionner de plus en plus vite et en même temps prendre moins de place. Ceci fait que ces dernières années, le lubrifiant est soumis à plus de pression et de charge. L’une des choses qui peuvent alors survenir et ce que l’on appelle l’effet ‘vernis’. Votre huile se dégrade de plus en plus et l’on constate un léger dépôt voire même une couche frittée noire sur toutes sortes de composants. Mais comment est-elle arrivée là, et comment assurer le bon fonctionnement de vos machines ?
Par Valérie Couplez
Le ‘vernis’ est défini comme un matériau adhésif oxydé ou carbonisé, recouvrant les surfaces internes d’un moteur. Au fil du temps, le ‘vernis’ continue d’évoluer jusqu’à devenir une substance cohérente. Il peut y avoir différentes causes à la base.
Causes du ‘vernis’
La première concerne l’arrivée d’air. Lorsque de l’air entre dans le moteur, il peut entraîner une dégradation de l’huile. Le vieillissement et la contamination par l’eau réduisent la tension superficielle et emprisonnent les bulles d’air. Lorsque ces dernières sont suffisamment grosses, elles ont tendance à condenser et adhérer aux surfaces. Ces composants, semblables à de la suie, ressemblent initialement à du caoutchouc, mais en vieillissant thermiquement, ils se transforment en films d’émail dur. L’oxydation est une deuxième cause. Lorsque l’huile s’oxyde, il se forme, en effet, diverses substances, dont des acides. Les produits primaires forment des polymères et autres produits de condensation à masse molaire élevée. La viscosité augmente et les composants oxydés en suspension deviennent progressivement imperméables. C’est à ce moment que le ‘vernis’ se crée. La troisième possibilité est la carbonisation de l’huile. En raison d’une forte friction entre deux surfaces de contact et d’un manque de lubrification adéquate ou d’une charge trop élevée, il peut naître des points chauds. Il en résulte des boues et des déchets de type suie. Ces particules se déposent et adhèrent aux surfaces des moteurs : du ‘vernis’ donc.
Conséquences possibles du ‘vernis’
Le fait que le ‘vernis’ soit plus courant aujourd’hui est intimement lié à la pression plus élevée exercée sur le lubrifiant par des machines de plus en plus rapides et en même temps de plus en plus compactes. Le fait qu’il cause tant de dégâts vient de ce qu’il n’est pas rapidement identifié. L’effet ‘vernis’ provoque souvent une augmentation sensible de la température, et l’huile peut alors même carboniser. Ces particules carbonisées sont très dures et peuvent provoquer une importante usure du système. Le ‘vernis’ provoque aussi un effet boule de neige ; le lubrifiant lui-même continue à se dégrader avec toutes les conséquences que cela entraîne : usure anormale, diminution de la capacité de refroidissement, occlusion des filtres, grippage des composants…
Comment détecter le ‘vernis’
Le ‘vernis’ apparaît sous la forme de dépôts noirs sur les joints mécaniques, de films dorés et adhésifs sur les soupapes, d’accumulations caoutchouteuses brunes sur les filtres, de particules charbonneuses sur les roulements … Dans la plupart des cas, la dégradation de l’huile est déjà tellement avancée qu’un rinçage complet du système est nécessaire. Pour le détecter plus tôt, des tests d’huile standard ne suffisent pas. Une augmentation de l’acidité, par exemple, est un indicateur, mais elle ne peut être observée qu’à un stade ultérieur. Quiconque a déjà été confronté au problème ferait bien de mettre en place une stratégie d’analyse précise de l’huile, avec des intervalles réguliers et des prises d’échantillons représentatifs à l’aide d’un matériel approprié. Ceci permet de découvrir des anomalies indiquant la présence de ‘vernis’. Il existe différentes méthodes de test, telles que le QSA (risque de ‘vernis’), l’ultracentrifugation (décantation du ‘vernis’), la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (vérification de l’oxydation et de la dégradation thermique) ou la MPC (colorimétrie par patch membranaire), qui donnent une indication sur la progression de la formation de ‘vernis’. Contrôlez la présence de phénols et d’antioxydants. Dès que leur taux atteint 20 à 30% du niveau préprogrammé, le risque potentiel de ‘vernis’ s’accroît énormément.
Comment éviter le ‘vernis’ ?
Pour empêcher l’auto-dégradation des lubrifiants, on peut tenter un certain nombre de mesures. Dans un premier temps, il y a lieu d’éviter autant que possible les décharges électriques. Ces dernières peuvent naître de l’accumulation d’électricité statique dans l’huile et dans les filtres. Par exemple en réduisant la vitesse d’écoulement de l’huile à travers les filtres, ou en équipant l’installation de valves supplémentaires. De plus, il est possible d’étudier des techniques de filtration alternatives qui impliquent moins de risque de charges statiques. Dans un second temps, il est préférable de s’assurer que le lubrifiant reste à la bonne température et en mouvement. En troisième lieu, la teneur en contaminants solubles doit devenir aussi faible que possible pour éviter la formation de ‘vernis’. Un certain nombre de techniques de filtration pour ce faire sont discutées ci-dessous.
Du vernis dans l’huile. Que faire ?
Si la détection se produit suffisamment tôt, il n’est pas nécessaire d’arrêter les machines pour remplacer toute l’huile. Ensuite, des techniques de filtration peuvent être appliquées pour éliminer le ‘vernis’ et autres contaminants. L’une des premières méthodes utilisées est la séparation électrostatique. Les contaminants chargés, qui sont naturellement polarisés, peuvent ainsi être éliminés de l’huile, créant des pôles positifs et négatifs. Ceci nettoiera le système jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de ‘vernis’ présent. L’inconvénient est que les coûts d’investissement et de processus sont élevés et la capacité faible. Il existe en outre des systèmes à absorption, capables de débits plus élevés. De tels systèmes peuvent éliminer en même temps les particules, l’humidité et le ‘vernis’. L’adsorption constitue une troisième option, le plus souvent basée sur un échange d’ions, un processus extrêmement efficace.
Trop de dégradation. Que faire ?
Lorsque les techniques de filtration n’apportent plus de solution, il n’y a pas d’autre option que de remplacer l’huile des machines ou de pratiquer un nettoyage chimique. L’inconvénient est que cela signifie souvent de devoir arrêter le système. Les produits chimiques sont forcés à travers ce dernier pour adoucir la contamination et la rincer à travers des filtres très fins. Ceci peut prendre quelques jours à quelques heures, en fonction de la quantité de ‘vernis’ présente dans le système. Le système doit à nouveau être rincé jusqu’à ce que tous les contaminants soient éliminés, sinon le nouveau lubrifiant montrera très vite, à nouveau, des signes de ‘vernis’.