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Maintenance Magazine 141 – septembre 2018

Falex développe un testeur d’usure multi-stations

l’entreprise américaine Falex Corporation. Elle emploie aujourd’hui six personnes. L’entreprise commercialise et utilise de l’appareillage de test pour la mesure des caractéristiques de frottement et d’usure. « Nous sommes spécialisés dans le test à l’échelle laboratoire de matériaux et de lubrifiants et nous proposons des conseils ‘to the point’ lors de projets », déclare le CEO Dirk Drees. Et qui dit usure, dit maintenance.

La vente de machines de test est un petit marché très sensible à la conjoncture. Les appareils sont assez coûteux. « Nous vendons plutôt des projets de test, nous conseillons la bonne méthode et nous interprétons les données pour des clients en Europe, l’Asie et les Etats-Unis. Le défi consiste à livrer des données/de l’information fiable dans un délai économiquement réalisable et à un coût abordable », résume Dirk Drees.

Une machine de test (prix €250.000) possède une seule station. Imaginez : un test fiable demande environ 200 heures, et il faut le faire cinq fois avec différents matériaux, soit quelque 1.000 heures au total. « C’est trop long et trop coûteux pour le client. » La solution ? « Passer aux tests multi-stations qui produisent des données de dégradation de matériaux plus efficacement. »

L’entreprise possède un prototype avec dix stations de mesure. « Le temps de test est divisé par dix. Le projet ‘Wear Generator’, qui conduit aux ‘big data’, signifie un investissement de deux à trois millions d’euros », avance Dirk Drees qui prépare une demande de projet pour le programme PME européen (SME Growth). « C’est une étape énorme et risquée, qui débouchera sur un nouveau modèle économique. Quelqu’un doit se lancer. Ce sera nous. »

Les données tribologiques sont des ‘nuages’

Théoriquement, tout a une influence sur tout: les lubrifiants, les matériaux, l’utilisation, les facteurs ambiants, … La tribologie est donc multidisciplinaire et comporte de nombreuses branches de recherche. « Chaque système tribologique exige une description spécifique. Nous essayons d’imiter du mieux possible la problématique sur le terrain pour établir une sélection d’alternatives à l’échelle laboratoire. Mais finalement, il est impossible de ‘tout’ modéliser », estime Dirk Drees. Une déclaration audacieuse. « En effet. Les modèles tribologiques décrivent souvent un système connu mais lors de l’extrapolation vers un nouveau système, des erreurs se produisent souvent. »

« La tribologie est un domaine jeune. Toutes sortes de modèles sont introduits dans l’ordinateur et calculés mais il nous manque des descriptions fondamentales et des modèles qui correspondent à la réalité. Avec le développement fulgurant des matériaux et des applications, il n’y a pas assez de données de mesure statistiques disponibles pour tester les modèles. »

« Nous nous focalisons sur la mesure pratique avec des machines de test de laboratoire. » S’agit-il d’un problème de frottement ou d’usure/de durabilité ? Les deux sont liés. Mais pas toujours. Pour décider de cela, diverses approches de test sont nécessaires. « A l’échelle laboratoire, vous pouvez réaliser des tests de longue durée ou utiliser des méthodes de test accélérées. La difficulté consiste à trouver des tests accélérés qui simulent fidèlement ce qu’il se passe dans la pratique. »

Quelle est la répétabilité et donc la prévisibilité des données obtenues ? Elle peut être très incertaine parce que les normes et les matériaux diffèrent. « Un client a changé de fournisseur d’acier, et bien qu’on lui a assuré de livrer le même acier, celui-ci ne passait soudainement plus à la machine. Sous une charge plus forte, un matériau passe et l’autre pas. Et bien qu’il s’agisse du même matériau, une infime variation dans la microstructure a entraîné un autre comportement fonctionnel. » C’est aussi le cas pour les plastiques.

« Les données tribologiques ne sont pas des points mais des ‘nuages’. Un mécanisme d’usure n’est pas absolu, il évolue, il change, … » Sous une pression élevée, une soudure à froid se crée par exemple entre deux matériaux, qui sont ensuite étirés l’un de l’autre. Ceci a lieu ‘au hasard’. Ce qu’il se passe ensuite est aussi un hasard. Dirk Drees pointe la théorie du chaos. « L’usure commence en un endroit. Puis à deux, quatre autres endroits, …D’une bifurcation à l’autre, une structure arborescente est créée.

Mesurer l’usure demande du temps

Les tests de frottement sont relativement courts. Après un temps d’engagement, le déroulement devient stable. Le frottement peut donc être mesuré pendant le test. L’usure est plus difficile à déterminer ‘en ligne’ et les tests durent plus longtemps. « On commence donc avec un test court et on mesure le résultat. Puis un test plus long, suivi d’une mesure. Et puis un test encore plus long … Grâce aux statistiques, l’intervalle de confiance devient finalement plus étroite. »

« Il faut faire deux choses: mesurer l’évolution de l’usure à l’aide de plusieurs tests, avec suffisamment de répétitions pour améliorer la fiabilité de l’extrapolation/prédiction de l’usure. Ce qui veut dire qu’il faut tester beaucoup plus qu’aujourd’hui. Avec des machines à station unique, cela revient cher. Il faut produire des données plus rapidement et plus efficacement », conclut Dirk Drees qui souligne le succès des tests combinatoires dans l’industrie pharmaceutique.

Le test de prothèses articulaires nécessite cinq millions de cycles, c’est trois mois de tests. Il y a dix ans, un professeur finlandais, actif dans les biomatériaux, a construit une machine avec cent points de contact. Cette machine a été commercialisée par le britannique Phoenix Tribology.

Mais la machine a ses limites. « Nous avons donc imaginé une machine multi-stations abordable, où les échantillons ne doivent pas être trop complexes (des pièces standards, donc) mais faciles à utiliser par les opérateurs, en présentant moins de restrictions. Ensuite, il faut mesurer et interpréter l’usure. Comment réaliser cela facilement et efficacement ? » Et quand est-il du lancement sur le marché?

Construire d’abord une référence

« Nous pensons qu’il est utile de d’abord générer un tas de données et d’établir les fondements d’une base de données pour attirer les clients (les utilisateurs de matériaux). » Dans la phase de projet, on veut acheter les matériaux pour les tester de manière uniforme afin de constituer une base de données de l’usure. Dirk Drees se rend bien compte qu’il est impossible de tester chaque matériau « mais il devrait être possible d’avoir des chiffres sur des matériaux de base, comme les cinq principaux nylons dans le monde. »

« Bien entendu, il faut concevoir une référence. A cet égard, nous voulons avoir avec nous les utilisateurs et leurs longs historiques de matériaux. » Que les utilisateurs potentiels (les personnes qui doivent sélectionner les matériaux) soient si divers complique le marketing, reconnait Dirk Drees. « Voilà pourquoi nous visons une solution sur le cloud avec une bonne expérience utilisateur. Nous sommes actuellement dans la phase d’élaboration du business plan. Nous avons déjà ce que cela va coûter et dans quoi il faut investir. Comment convaincre un investisseur du retour?” <<

Par Luc De Smet