IN THE FIELD  
Maintenance Magazine 141 – septembre 2018

Asset Performance Management et la Maintenance

Lubrification pour l’Afrique

De nombreux groupes industriels décident de déserter l’Afrique, emportant avec eux toutes leurs connaissances. De nombreuses entreprises locales se retrouvent ainsi dépourvues de guidance, en particulier concernant la lubrification. Une guidance autrefois assurée par les grands groupes pétroliers.

Pour remédier à cette lacune, James M. Wakiru, doctorant au département de génie mécanique de la KU Leuven (KUL), aidé de quelques collègues, décide de publier un magazine spécialisé dans les lubrifiants et la lubrification en Afrique, appelé «Lubezine», dans lequel il partage ses recommandations en termes de maintenance. Le magazine, publié tous les trimestres, suscite un intérêt croissant, ce qui ramène peu à peu Wakiru à la recherche universitaire et industrielle: «Comment pouvons-nous améliorer les modèles actuels d’Asset Performance pour atteindre les objectifs de l’entreprise, en termes de TCO ?»

L’utilisateur final comme point de départ

La référence au TCO (Total Cost of Ownership) n’est pas choisie au hasard: «Mon attention se porte principalement vers les utilisateurs finaux: comment les aider à utiliser au mieux leurs équipements et à mieux organiser leurs stratégies et activités de maintenance? Je pense d’abord à l’ingénieur chez l’utilisateur final, ensuite à l’OEM qui souhaite en savoir plus sur les performances et la fiabilité réelles de son équipement. Ce sont en effet les informations du terrain qui amélioreront le travail de la R&D pour, au final, améliorer la performance et la qualité des équipements. D’ailleurs, d’ici peu, les utilisateurs finaux diffuseront en continu les données de l’application en amont vers les équipementiers, et les aideront à modifier et/ou à améliorer leurs applications. C’est dans cet esprit que j’ai lancé un projet de framework alternatif d’Asset Performance Management qui aidera les équipes de maintenance dans leur processus de décision, et leur permettra de quantifier plus facilement les paramètres-clés de leurs assets. Le projet est mené en collaboration avec des chercheurs d’Afrique et d’Europe et inclut entre autres les questions de lubrification, telles que les effets de la contamination des lubrifiants dans la maintenance des équipements rotatifs, et d’autre part l’analyse de criticité.»

Identification de schémas via le Cluster Analysis

Les machines tournantes, omniprésentes dans l’industrie lourde, peuvent rapidement voir leurs performances chuter en cas de contamination du lubrifiant et impacter la productivité de toute l’exploitation. La contamination par dilution de carburant dans le cadre des moteurs diesel est l’une des plus insidieuses, car difficile à détecter, comme l’explique Wakiru: «L’analyse d’huile traditionnelle est souvent insuffisante pour détecter ce genre de contamination, et l’on doit observer l’évolution des paramètres de l’huile, interagissant les uns sur les autres, telles que la viscosité et le point d’éclair, ainsi que les paramètres externes (eau, température…), et ce sur un grand nombre d’échantillons.» En s’appuyant sur les algorithmes existants de Machine Learning, Wakiru se base sur le Cluster Analysis pour détecter les schémas d’évolution de défauts de lubrification, en scindant automatiquement les différents paramètres analysés en sous-groupes, et en extrayant ainsi ceux directement liés à la contamination par dilution de carburant. Poursuivant dans cet ordre d’idée: «Par analyse statistique et ajout progressif des (nombreuses) données liées aux propriétés et additifs anti-corrosion des lubrifiants du marché, nous devrions bientôt pouvoir établir de puissants modèles prédictifs et les adjoindre aux stratégies de maintenance existantes.»

Evaluation des risques basée sur la criticité

L’analyse des risques est l’une des approches utilisées lors de l’analyse de criticité, une phase fondamentale de l’Asset Performance Management. Constatant la rigidité inhérente aux approches classiques de la FMEA (Failure Mode and Effect Analysis), Wakiru décide de participer activement aux travaux de développement d’une approche dynamique qui tient compte du RPN (Risk Priority Number) et du coût lié à une défaillance pour mettre en évidence les équipements les plus critiques. Un schéma de décision pour la sélection de la stratégie appropriée serait ensuite proposé aux responsables de la maintenance. L’applicabilité de cette méthodologie est actuellement à l’étude dans une centrale thermique en Afrique. <<

Par Ayoub Alaoui