PRÉFACE
Maintenance Magazine 141 – septembre 2018
Un pont trop loin ?
Sans aucun doute, le fait tragique de cet été : l’effondrement du pont Morandi à Gênes. 200 mètres d’un viaduc long de 1.182 mètres se sont effondrés avec malheureusement des dizaines de morts.
La question immédiate est de savoir qui est à blâmer. L’architecte qui aurait fait une erreur de conception ? L’entrepreneur qui a fait des erreurs de construction ? Le concessionnaire autoroutier qui aurait failli d’entretenir le pont de manière adéquate ? Le Gouvernement, qui ne fournirait pas de ressources suffisantes ? Je n’oserais juger mais une chose est sûre : le pont de Morandi n’est pas un cas isolé.
Les problèmes sont récurrents sur les routes italiennes : en juillet 2014 une travée du viaduc de Petrulla s’est effondrée; en octobre 2016, ce fut à Annone; en avril 2017, une autre à Cuneo. D’après les experts, 10.000 ponts sont arrivés en fin de vie. Les coûts de réparation dépassent les coûts de démolition et reconstruction, et appellent à un plan Marshall de 16 milliards d’euros pour le renouvellement des infrastructures.
En France, un rapport récent révèle qu’un tiers des 12.000 ponts ont besoin d’une intervention de maintenance. 800 ponts sont en si mauvais état qu’ils peuvent s’effondrer, nécessitant à envisager l’interdiction au trafic (par camion). Un constat d’autant plus préoccupant qu’en moyenne, un pont «n’est réparé que 22 ans après l’apparition des premières dégradations», ajoute le document. Le Ministère français des transports augmente sensiblement le budget pour les années à venir.
Et la Belgique ?
Quant à la Wallonie, on compte environ 5.000 ponts et viaducs soumis à une inspection visuelle triennale. On recense actuellement 50 ponts diagnostiqués avec des défauts importants.
La Région flamande gère 2.618 ponts et travées de plus de 5 mètres. 28 d’entre eux sont sous surveillance stricte mais ne constitueraient pas un danger pour la sécurité routière. Dans quelle mesure ces listes de priorités sont elles suffisamment fiables? Le viaduc de Morandi était fréquemment suivi de “toutes les techniques modernes”. Que ce pont se soit effondré pourrait indiquer que les systèmes de surveillance et d’inspection ne soient pas suffisants pour détecter tous les problèmes possibles ou qu’il existerait des mécanismes de défaillance non encore suivis.
A mon avis, il est grand temps que notre Société traite la maintenance plus consciemment. Lors des décisions d’investissement pour une nouvelle infrastructure, on ne peut pas seulement prendre en compte le coût le plus bas, mais on doit considérer également la maintenance et la durée de vie estimée. Nos gouvernements devraient planifier à long terme les travaux de maintenance et de remplacements nécessaires. Les budgets nécessaires pour la maintenance ne doivent pas être coupés ou gelés. Les travaux de maintenance ne deviennent moins coûteux en les reportant.
Il doit exister, un cadre politique garantissant une gestion optimale de l’infrastructure publique, de sorte que les ponts ne s’effondrent pas avant que des budgets soient libérés. Ce cadre a un nom et une norme: l’asset management et l’ISO 55000.
P.S. : L’asset management ne concerne pas uniquement les gestionnaires d’infrastructures mais également les entreprises de production industrielle. C’est bien le point principal du congrès Euromaintenance 4.0 à Anvers. Tous les aspects d’une gestion moderne des équipements et machines y seront discutés. Plus d’info sur www.euromaintenance.org.
Par Wim Vancauwenberghe Evangiliste de maintenance, Directeur de BEMAS