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Maintenance Magazine 141 – septembre 2018

La gestion de la maintenance des sapeurs-pompiers de Paris digitalisée

La Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP) est la plus grande d’Europe et la troisième au niveau mondial, après Tokyo et New York. Les 8.500 sapeurs-pompiers s’occupent d’une population de sept millions de personnes sur un territoire de 800 km². Chaque année, la brigade intervient 14.000 fois pour un incendie et gère plus d’un demi-million d’interventions (elle assure aussi les urgences de la ville), en hausse de 5% par an. Une lourde tâche donc, même pour le matériel et les véhicules. L’organisation a opté pour un plan de prévention afin d’optimiser la maintenance et gagner en disponibilité. La brigade, autonome d’un point de vue logistique et opérationnel, a également fait appel à Carl Software.

La division logistique de la BSPP a décidé en 2014 de revoir sa maintenance et de remplacer le logiciel obsolète, développé en interne. L’organisation voulait notamment remplacer les procédures de différents services par de bonnes pratiques de maintenance et les rassembler dans un système d’information commun.

Pour Michael Arnaud de CARL Software, le grand défi fut la complexité entre le cahier des charges et la réalité dans les nombreux ateliers. Ce fut loin d’être simple avec, non un mais cinq cahiers des charges, un pour chaque organisation fonctionnelle : la BMCO (Brigade de Maintien en Conditions Opérationnelles), le BOSI (Bureau Organisation des Systèmes d’Information) et les départements et les infrastructures de soutien à l’homme… « Ce projet est une réussite grâce à l’énorme implication des équipes de la BSPP. » Il évoque notamment la contribution du groupe de projet, principalement composé de sapeurs-pompiers.

Qu’attendez-vous de ce logiciel de gestion? « Nous voulons répondre aux exigences réglementaires, connaître à tout moment l’état de notre parc et optimiser la maintenance afin de gagner en disponibilité via le plan de prévention », détaille Ambroise Permalnaïck, Lt.-Col. et chef de projet chez la BMCO de la divison logistique de la BSPP. La BMCO collecte des données depuis deux ans et veut maintenant les stabiliser et les exploiter.

Tous les services n’ont pas suivi aussi facilement. « Je devais parfois faire marche arrière pour ensuite pouvoir avancer et augmenter l’adhésion. Certains continuaient d’utiliser l’ancien logiciel. Un processus de changement exige beaucoup de communication. »

Optimisation

La BMCO assure la maintenance basique du matériel roulant, de 300 camions, 710 véhicules légers, 50 remorques, 30 véhicules nautiques et 10 cars qui consomment chaque année 1,8 million de litres de diesel, 14.000 litres d’essence, 23.000 litres de lubrifiant, 25.000 litres d’additif mouillant, 5 tonnes de poudre d’extincteurs et 800 m³ de gaz, mais aussi de tous les équipements, les vêtements, les bâtiments, l’informatique, la communication, …

Trois services utilisent le logiciel de gestion de maintenance Carl Source depuis deux ans. L’outil gère les équipements, les interventions, la maintenance prescrite et préventive, les stocks, …

Quelque 7.200 numéros de matériel y sont répertoriés avec un suivi de l’historique, ainsi que 2.000 plans de maintenance préventive. « Auparavant, un véhicule rentrait sur base du kilométrage. Aujourd’hui, selon le type, les véhicules rentrent tous les quatre mois à un an et le logiciel indique ce qu’il faut faire. » La maintenance est désormais optimisée. »

L’atelier assure 60% de maintenance préventive et 40% de maintenance curative. Quelque 730 autres dépannages sont enregistrés chaque année et le management souhaite étendre le volet préventif. Le service des sapeurs-pompiers n’est pas non plus sans risque et connaît 500 à 700 accidents de la circulation par an.

Certains éléments ne sont pas intégrés dans le logiciel. C’est le cas du carnet d’incident des véhicules, un choix délibéré « pour ne pas alourdir inutilement le concept », explique Ambroise Permalnaïck qui veut garder de la fonctionnalité. Son objectif principal est d’impliquer les deux services restants. « Avec de tels projets, on sait quand on commence mais jamais où ça finit. » Les délais de mise en œuvre coûteux ont un impact sur les budgets. « Mais le diesel était moins cher ces dernières années et cela a permis de dégager des budgets. Le projet vit. »

Premier et deuxième niveau

Notre visite a commencé à l’appel matinal de la 28ème compagnie à la caserne de Nanterre. Chaque compagnie inspecte quotidiennement ses véhicules, ses pompes et le petit matériel comme les masques à oxygène et les équipements de protection individuelle quant à leur présence, leur fonctionnement et la qualité. Les éventuels problèmes sont pris en charge au premier niveau. Ce qui ne peut pas être réparé est enregistré dans le système SYGA (SYstème de Gestion et d’Aide à la Logistique), basé sur le logiciel Carl Source, puis transféré au second niveau vers le centre de maintenance du Camp de Voluceau, à Bailly Rocquencourt à Versailles. Le centre envoie par exemple un véhicule de remplacement et repart avec le véhicule défectueux pour le réparer.

Ce centre de maintenance dispose de 250 personnes opérationnelles et de soutien qui maîtrisent une vingtaine de métiers allant de la réparation des moteurs et de la carrosserie jusqu’à la reconstruction des puissantes pompes. Nous sommes passés par l’atelier qui soumet les échelles et leurs systèmes hydrauliques à des tests de certification et des entretiens, et par l’atelier qui réalise les mêmes interventions sur les bouteilles d’air comprimé, les masques à gaz et le matériel NBC. « SYGAL est un ‘mouchard’. Il rapporte tout ce qu’il se passe dans les casernes. C’est aussi notre rôle de pointer les ‘erreurs systématiques’ », souligne le capitaine Fabien Lagaude. Le logiciel donne un instantané de la situation, ce qui est opérationnel et ce qui ne l’est pas, à nous de prévoir une inspection technique ou de prendre les choses en main. <<

Par Luc De Smet

La BSPP a été créée en 1811 après que l’empereur Napoléon ait failli périr dans un incendie à l’ambassade d’Autriche. Les sapeurs-pompiers de Paris sont donc des ‘militaires’, rattachés au départ à l’arme de l’infanterie et aujourd’hui à l’arme du génie. La BSPP intervient lors d’incendie mais aussi d’autres calamités, risques et menaces. Depuis 1945, elle gère aussi les urgences, ce qui représente actuellement 450.000 interventions par an.

Cellule transférable

Les véhicules les plus demandés à la BSPP sont sans aucun doute les 160 VSAV’s (véhicules de secours et d’assistance aux victimes). Les derniers VSAV’s se composent de deux parties : la partie cabine, troisième génération de Renault Master, et la cellule transférable du français TIB. Si le véhicule s’use et doit être remplacé tous les huit ans, la cellule transférable a une espérance de vie d’un quart de siècle.