MAINTENANCE À L'HONNEUR
Maintenance Magazine 155 – mars 2022
Préventif, curatif et prédictif

« Le travail planifié est plus efficient », déclare Wim Thys, maintenance manager chez Soudal à Turnhout. (Photo LDS)

Le chaos vient naturellement. L’ordre demande des efforts. Voilà pourquoi il faut une place pour chaque chose et chaque chose a sa place. Il souligne l’utilité de la méthode des 5S pour garantir des machines de production fiables (Photo LDS)

Il est important que nos techniciens aient du bons sens pratique et la bonne attitude, le reste suit généralement (Photo LDS)

« J’essaie d’éviter le stress dans le service. Mieux le travail est préparé et planifié, moins il y a de frustration dans l’atelier » explique le maintenance manager Wim Thys. (Photo LDS)

Chez Soudal, les données de défaillances sont extraites de SAP-PM via le logiciel de business intelligence QlikView. Les développements émergent alors. C’est un puissant moteur d’optimisation. (Photo LDS)
PreviousNextLe département maintenance de Soudal est dédié aux trois sites de production à Turnhout. Le Site 1 compte 58 lignes qui conditionnent des produits d’étanchéité comme des silicones, des acrylates, des polymères MS généralement dans des tubes en plastique et des poches souples (boudins) pour le marché professionnel. L’année dernière, plus de 150 millions d’unités ont été produites. Le Site 2 conditionne annuellement des mousses PU dans 50 millions d’aérosols métalliques et canisters. Ces produits en spray se dilatent à l’air et servent à étanchéiser/isoler mais ils servent aussi à coller des matériaux dans divers secteurs. Le Site 3 est dédié aux petites références comme les colles. «Nous essayons aussi d’aider d’autres sites généralement plus petits en termes de configuration », déclare le maintenance manager Wim Thys (53), au poste depuis trois ans.
Par Luc De Smet
Le département Planning de production définit quand et comment entretenir quelle machine en fonction des matières premières, du conditionnement, du parc machines … « Le département Maintenance est séparé du Planning de production. Nous effectuons les réparations et la maintenance préventive », explique Wim Thys qui prévoit un calendrier annuel avec le planning de production. « Chaque ligne est arrêtée quatre heures par mois pour une maintenance préventive. Lors d’actions urgentes, nous négocions un délai pour intervenir curativement sur la machine, la réparer et la régler. » Il y a une équipe de maintenance curative et une équipe de maintenance préventive.
Le plus de runs possible le plus longtemps
Soudal possède une gamme de produits généralement visqueux. Les changements en production sont fréquents et exigent le nettoyage des composants et éventuellement leur révision. Il y a notamment le ‘doseur’, un piston qui définit la quantité de conditionnement. La pièce pèse entre 15 et 17 kg et les tuyauteries correspondantes sont démontées et prises en charge par le service de nettoyage relevant de la production. Si nécessaire, les révisions et les réparations ont lieu à l’atelier de maintenance. Ensuite, la production récupère les composants et les remonte. « Nous essayons d’avoir le plus de runs possible d’un même produit sur la machine. » Les tuyauteries peuvent être temporairement fermées pour éviter que le matériau ne durcisse dans l’installation, la production peut alors reprendre ultérieurement. « Passer d’une couleur sombre à une couleur claire nécessite toujours un nettoyage. »
Devenir plus intelligent
La maintenance prédictive n’est pas appliquée partout. « Sur les grands éléments comme les mélangeurs, nous réalisons une analyse vibratoire en continu qui nous prévient d’une défaillance à un stade précoce. Les analyses d’huile montrent une usure prématurée. Il n’est pas réaliste d’installer des capteurs coûteux partout. » La criticité et le rapport coût-bénéfice priment. En cas de défaillance, nous ouvrons les roulements pour avoir une image du dommage et devenir ‘plus intelligent’. Les pièces sont conservées pendant un temps pour les analyser. « Cela a nécessité un temps de conversion et d’ancrage. Un technicien a du temps quand il remplace quelque chose. Il faut faire le job, nettoyer et continuer. Nous gardons les pièces pour analyser le dommage. On ne jette rien. »
Chaque jour est différent
Le planning hebdomadaire est distribué le vendredi aux groupes. Le travail à réaliser dans la semaine est étudié. Les bons de travail sont disponibles dans SAP-PM (Plant Maintenance). « La communication verbale est importante avec les techniciens. Ils posent des questions pour obtenir des éclaircissements. » Le service de maintenance réceptionne les défaillances par SAP-PM. « Nous les analysons. Y-a-t-il quelque chose de nouveau ou est-ce la répétition d’un modèle ? » Les dernières 24 heures sont passées en revue lors d’un briefing avec l’équipe technique (team leaders, superviseur et maintenance engineer). Le superviseur se rend ensuite à la réunion matinale journalière à la production. Chaque réunion débute par les aspects liés à la sécurité, la qualité et le rendement. Chaque jour est différent. « Tout est discuté en un quart d’heure. » Au début, il a fallu de la persévérance mais cette réunion a montré son utilité depuis.
Chaque chose à sa place
Thys insiste sur l’ordre et la propreté au travail et applique la méthode des 5S : Seiri, Seiton, Seiso, Seiketsu et Shitsuke ou éliminer, ranger, nettoyer, standardiser, respecter. « C’est peut-être atypique que le maintenance manager facilite cela mais … chaque chose à sa place et une place pour chaque chose. » Cela fait gagner du temps. « Rangez ce que vous n’utilisez pas. » La méthode des 5S est une routine quotidienne, ce n’est pas un objectif en soi. « Il faut garantir des machines de production fiables. » La méthode permet d’y arriver. Le chaos vient naturellement. L’ordre demande des efforts. « Tout le monde perçoit les avantages. Si la place d’un outil est vide, on le remarque tout de suite. Les écarts sont visibles. « Les collaborateurs ont opté pour un double tableau d’ombres où le profil et le numéro du marteau ou de la clé sont notifiés. » Sur le terrain, les techniciens ont un trolley avec leur matériel. Les outils spécifiques (un compas laser par exemple) sont rangés dans le placard commun et peuvent être empruntés. « Les techniciens ou les ingénieurs les réservent et ramènent via SAP. »
Le pilotage dur n’est pas la bonne méthode
Thys revient sur l’organisation et la garantie des connaissances via les procédures. « Il est important de savoir qu’il existe une procédure pour réaliser chaque chose. » Les techniciens élaborent un ‘One Point Lesson’ (OPL) (comment solutionner un problème spécifique ?) qui fait le tour des collègues avant d’être notifié dans un document. Il montre un mur rempli de documentation technique. Les informations sont généralement disponibles sous format numérique mais les techniciens apprécient le format papier. « Nous fournissons les composants et les procédures de tout ce qui est préparé et planifié. Nous faisons aussi du ‘kitting’. Le technicien récupère les composants et les instructions pour un job donné dans un bac. » Depuis trois ans qu’il est maintenance manager, Thys manœuvre en souplesse. « Le pilotage dur n’est pas une bonne méthode. Pour trouver l’équilibre win-win, il faut communiquer. La perspective est une aide au changement. Si chacun y apporte ses nuances, le résultat sera meilleur. » Voilà comment l’accent est mis sur le ‘planning’ même pour les travaux curatifs. « Un travail planifié est plus efficient. »
Uniquement ce qui est urgent
« Nous demandons aux techniciens préventifs de ne pas directement tout réparer. Uniquement ce qui est urgent. Lors d’un arrêt machine, ils n’ont qu’un laps de temps. S’ils le dépassent, ils mettent d’autres tâches en péril. Ils rapportent cependant leurs observations pour les traiter ultérieurement. » Thys indique que l’introduction de cette manière de travailler n’a pas été évidente. « Nous avons beaucoup discuté et montré pourquoi il fallait opter pour cette approche progressive. » Il faut compléter des ‘checklists’ aux machines et les tenir à jour. Des listes que complètent les techniciens. Dans la plupart des entreprises, les techniciens curatifs travaillent souvent en mode ‘extension d’incendie’. Elles ne parviennent pas à déployer une maintenance préventive. » Très rapidement en 2020, une équipe PO dédiée a été mise en place : quatre personnes ne font que de la maintenance préventive. « Le préventif exige un autre type de techniciens (mécaniciens) qui travaillent de manière bien définie. Le défi a consisté à trouver les bonnes personnes et à développer des routines. » L’équipe curative se charge des défaillances et des tâches planifiées à tour de rôle. Les techniciens de maintenance sont polyvalents. Ils ont un profil d’électromécanicien. L’hydraulique est aussi gérée. « Nous avons des personnes qui soudent, qui conçoivent, qui programment des automates … »
La bonne mentalité
Les équipes sont renforcées avec des recrues et des externes expérimentés. « Il est important que les techniciens aient du bon sens pratique et la bonne attitude, le reste suit généralement», continue Thys. « Nos techniciens peuvent évoluer vers d’autres fonctions au département Ingénierie qui comprend de nombreux ingénieurs industriels et masters. » Les entretiens de développement évaluent les besoins en formation. Thys souligne que la maintenance n’est pas uniquement destinée à optimiser le fonctionnement des machines et des composants. « Il faut aussi oser ajuster les individus et leurs connaissances. » Les machines simples d’antan deviennent complexes à chaque génération. « Les installations d’air comprimé sont aujourd’hui asservies et truffées de capteurs. » Avec le coronavirus, il a été plus difficile de se retrouver pour les formations. Mais cela rentre dans l’ordre. SKF prévoit des sessions sur les modes de défaillance et le montage des roulements, Fanuc sur les robots, et Siemens sur les automates.
Eviter le stress
« Je remarque une évolution des calamités vers des petits ajustements et des remplacements un sur un. Les grandes choses sont plus sous contrôle. » Les arrêts machines sont mis à profit pour la maintenance préventive. La maintenance préventive planifiée a effectivement lieu dans pratiquement 99% des cas. « Nous remettons les machines en état/condition de base. Chaque année, nous traitons des problèmes persistants. Mon équipe avance des propositions d’amélioration pour plus de fiabilité. J’essaie d’éviter le stress dans le service. Mieux le travail est préparé et planifié, moins il y a de frustration dans l’atelier. Les clés pour cela sont une mentalité ‘First Time Right’. On martèle : lisez le manuel. Suivez la procédure. Solutionnez le problème du premier coup. » Il y a assez bien d’analyse de données. » Les données de défaillances de SAP-PM sont extraites via le logiciel de business intelligence QlikView. » C’est ainsi que les développements émergent. C’est un puissant moteur d’améliorations. Chaque mois, une liste d’actions est établie. On suit l’approche ‘plan, do, check, act’. « Définissez une action, réalisez-la puis vérifiez si vous y êtes arrivé. » Le principal KPI est le MTBF ou ‘Mean Time Between Failure’. « On le voit augmenter. C’est positif.”
Interaction profonde avec le processus
Thys vient d’une organisation où il fallait économiser tous les ans. « Dans cette entreprise familiale, on travaillait moins avec des budgets stricts mais on regardait plutôt où se trouvaient les besoins et les opportunités. » Les coûts, les avantages et le ROI sont pesés « mais avec un train décisionnel plus court, on les traite de manière plus organique. » Il ambitionne une interaction plus profonde avec la production. « Accroître les compétences techniques et l’appropriation des opérateurs, par exemple, afin qu’ils puissent détecter rapidement les écarts et en discuter avec nous au plus tôt. Parfois, on attend trop longtemps et les dégâts s’étendent. Réagir rapidement est important. Nous ne sommes pas encore prêt pour un programme de Total Productive Maintenance (TPM) mais il y a de nombreuses opportunités limitrophes à la TPM. La base d’une action réussie est une organisation fiable, un leadership motivant … et une maintenance solide », conclut Thys.
Jeune équipe cherche expérience
Le département Maintenance de Soudal se compose de 40 techniciens et cinq employés/superviseurs sur les trois sites. Des trentenaires en général. « Je suis l’un des plus vieux », lance le maintenance manager Wim Thys en souriant, qui se sait bien entouré. L’entreprise fonctionne bien avec les écoles de Thomas More Group. « Nous accueillons beaucoup de jeunes qui quittent l’école. Cette année, la maintenance compte dix stagiaires. À la fin des stages, qui peuvent durer jusqu’à 14 semaines, vous les connaissez et eux vous connaissent. C’est une sérieuse longueur d’avance. La moitié d’entre eux sont éligibles à un contrat. » Les techniciens expérimentés sont rares. Plusieurs d’entre eux viennent de l’extérieur. En septembre, Soudal lancera le Site 5 situé à une centaine de mètres plus loin. « Nous recrutons des opérateurs et des techniciens. »
La maintenance n’est pas un ilot
« La maintenance ne veut pas être un ilot. Elle est au service du rendement. La production et l’ingénierie sont des partenaires importants », déclare Wim Thys, maintenance manager chez Soudal. Quand c’est possible, les collègues de l’Ingénierie avancent des normes communes à l’achat de nouvelles machines. En maintenance, il est important que les machines soient le plus standardisées possible et qu’elles possèdent une interface HMI conviviale, un autodiagnostic, un bon manuel et un support par les entreprises garantissant un service solide. À chaque choix, il faut couvrir l’ensemble du cycle de vie. Nous pouvons nous développer plus étroitement afin que les choix soient davantage axés sur une maintenance centrée sur la fiabilité. »