PRÉFACE  
Maintenance Magazine 151 – avril 2021

Mesurer, c’est savoir, ou pas ?

Au moment où j’écris cet avant-propos, notre pays est frappé par une troisième vague de la Covid-19. Malheureusement le programme de vaccination ne parvient pas encore à protéger une grande partie de la population. Pour nous, adeptes de la maintenance et de la fiabilité, ce sont des moments très instructifs. Tout comme les virologues s’occupent de la santé publique, il nous incombe de veiller à ce que notre parc d’actifs ne tombe pas en panne de manière inattendue ou prématurée.

Grâce à un suivi méticuleux des chiffres de la pandémie, nos experts peuvent estimer approximativement ce qu’il se passera dans un avenir proche et déterminer si notre système de santé peut encore faire face à l’afflux des patients. Dans la gestion intensive de nos actifs, la mesure est également primordiale pour gagner en connaissances. Plus en plus d’entreprises consacrent beaucoup d’efforts à la numérisation pour obtenir une série de données de mesures. Ceci permet d’utiliser des algorithmes intelligents afin de réaliser une surveillance permanente basée sur l’état prévisionnel des actifs. En effet, cela permet d’intervenir avant même que la panne ne se déclare et donc d’éviter des arrêts imprévus ou des réparations coûteuses.

Le paradoxe de la prévention

Cependant, les virologues et les épidémiologistes sont bien familiarisés avec le paradoxe de la prévention. Ce paradoxe affirme qu’il y a plus d’avantages à tirer d’un programme de prévention à l’échelle de la population entière que d’une initiative qui se concentre uniquement sur le groupe à haut risque. C’est pourquoi les mesures s’appliquent à l’ensemble de la population. En parallèle, si nous voulons vraiment profiter des avantages de la maintenance conditionnelle et de la maintenance 4.0 dans nos entreprises, nous ne pouvons pas limiter le déploiement aux ‘actifs à haut risque’.

La prédiction ‘auto-destructrice’

La médecine préventive est confrontée à un deuxième défi. Les personnes qui restent en bonne santé grâce à des mesures préventives ne découvrent jamais qu’elles ont échappé à la maladie. En prédisant les problèmes et en intervenant à temps, les prédictions elles-mêmes se rendent invalidées. Mesurer revient donc à ne pas savoir ... parce que nous ne saurons jamais quelles auraient pu être les graves conséquences. Certains diront qu’étant donné le nombre relativement faible de décès supplémentaires, il n’était pas forcément nécessaire de prendre des mesures strictes. Ils commettront la même erreur que les ‘critiques’ qui prétendent que la maintenance (prédictive) n’est pas du tout une nécessité ...

Par Wim Vancauwenberghe, Directeur de BEMAS