IN THE FIELD  
Maintenance Magazine 147 – mars 2020

Le recyclage durable d’avions déclassés

A l’aéroport d’Oostende-Brugge, Aerocircular déploie un concept durable et circulaire. Dans un hangar imposant couvert – où des partenaires comme Best-Hall, Champion Door, Etap et Hilti ont apporté leur expertise – l’entreprise démantèle durablement des avions à fuselage étroit en fin de vie, avec Lufthansa comme client de lancement. « Après une étude de marché intensive, nous avons décidé de nous focaliser sur le recyclage de l’aluminium du fuselage, l’intérieur composite et certaines parties du moteur », explique Koen Staut, fondateur et CEO d’Aerocircular.

Par Philip Declercq

Avec le partenaire clé Lufthansa Technik Brussels, diverses entreprises logistiques, acheteurs de matériaux …, participent à cet écosystème. A la demande du client, Aerocircular récupère notamment des pièces d’avions certifiées. « Nous ne nous consacrons pas spécifiquement sur les pièces de rechange mais plutôt sur l’après-vie des matériaux qui n’entrent pas en considération pour une seconde vie en tant que pièce de rechange, et nous les retravaillons en des matières premières », explique Koen Staut. « A ce jour, nous pouvons réaffecter 96% du poids total d’un avion. Les 4% restants concernent des petites quantités de matériaux situés dans le fuselage profond de l’avion. Leur démantèlement, d’après une analyse coûts-avantages, n’offre aucune plus-value. Notre département R&D continue de chercher des solutions pour donner une valeur de surcyclage à cette combinaison de matériaux. » En tant que start-up dans cette niche, Aerocircular a gardé sa structure de coûts la plus flexible possible. Lors du lancement de l’activité, le personnel logistique était en partie externalisé. Au fur et à mesure que le carnet de commandes se remplissait, de l’effectif était engagé.

Surcyclage

Les lignes de communication avec le management de Lufthansa Technik Brussels sont courtes ce qui permet de réagir rapidement. Tout à fait par hasard, une autre entité du même groupe, Lufthansa Technik Surplus purchase de Hambourg, est devenue un client de lancement du site ostendais. Ce client ne s’y retrouvait plus non plus dans le comportement de démolition et de picorage et la pratique de stationnement dans le désert d’avions déclassés, typique des USA. « D’autres acteurs du marché ne semblaient pas intéressés par le recyclage de l’aluminium de fuselage d’avions et de certaines pièces de moteur. Le recyclage est un nom collectif qui désigne la réutilisation de matériaux alors que chez nous, il s’agit plutôt de surcyclage de matériaux », poursuit Koen Staut.

Alliages d’aluminium

Les alliages d’aluminium d’un avion sont des alliages de haute qualité. « Nous avons réussi à réduire ce matériau à une valeur de qualité supérieure. Il n’est peut-être pas encore adapté aux objectifs aéronautiques du moment mais il est intéressant pour les applications automobiles notamment (lire plus loin). Et cela va aussi bientôt se produire avec les matériaux composites dans le fuselage de l’avion. Nous pouvons extraire des matières premières qui seront réinjectées dans le circuit des matières premières. La procédure de certification des pièces d’avions est stricte et prend souvent plusieurs années. Nous n’avons bien entendu aucun impact sur ce facteur », souligne Koen Staut.

Séparer ou fondre

Dans ce contexte, les alliages d’aluminium des séries 2000 et 7000 sont surtout intéressants en vue d’un recyclage. « Idéalement, il faudrait les séparer pendant le processus de démantèlement mais ils sont fixés entre eux par des milliers de rivets. Le département R&D d’Aerocircular (lire plus loin) développe et construit actuellement une machine capable d’enlever jusqu’à dix rivets à la seconde », continue Koen Staut. « Une autre option consisterait à fondre les deux alliages pour en produire un nouveau de qualité qui répondrait aux paramètres de certaines applications novatrices. »

Le démantèlement dans un abri couvert

Bien souvent, le démantèlement d’avions a lieu à ciel ouvert, avec toutes les conséquences néfastes pour l’environnement. Le hall SFS à l’aéroport d’Oostende est le premier hangar couvert dans le pays qui abrite le démantèlement d’avions à fuselage étroit. La construction du hangar est durable à tous les égards. Il est éclairé selon le concept ‘Light as a Service’ d’ETAP pour lequel le fabricant ne vend pas d’armatures d’éclairage mais de la lumière. Actuellement, il y a trois appareils Airbus stationnés qui ont plus de trente années de service. L’un d’entre eux a été dépouillé de la plupart des composants (panneaux intérieurs, fenêtres, compartiments à bagages …).

Tout est proprement rangé pour un traitement ultérieur, en fonction de la demande des acheteurs. Ces utilisateurs industriels les préparent ensuite pour les réutiliser comme des matières premières. Le cockpit sera coupé dans sa moitié via une scie à portique développée sur mesure pour Aerocircular par HILTI Corporation BU Diamond, et pourra être réutilisé comme simulateur. Il ne restera plus qu’un maillage nu.

La R&D dans une spin-off

Des entreprises et des gouvernements de niveau international sont demandeurs d’une collaboration avec Aerocircular. « On nous a par exemple demandé d’appliquer notre savoir-faire au recyclage du polyester des voiliers et des pales d’éoliennes. Notre expertise peut donc être utile hors du secteur aéronautique. Voilà pourquoi notre département de R&D fonctionne indépendamment d’Aerocircular et est hébergé dans l’Industrial Circularity Lab.

Phoenix eT Abu Dhabi

Un site est en construction à Phoenix (Arizona – USA) et sera opérationnel à l’été 2020. Les clients implantés en Amérique du nord pourront s’y rendre. Un autre site Aerocircular est planifié à Abu Dhabi et sera spécialisé dans le démantèlement d’avions à fuselage large.