IN THE FIELD
Maintenance Magazine 147 – mars 2020
Maintenance payante
Les bons accords font les bons amis
Nous travaillons plus ou moins de la même manière depuis des décennies. Une machine est achetée chez un fabricant de machines. S’il s’agit d’une pièce, le nouveau composant est commandé chez le même fabricant de machines. C’est l’approche Capex/Opex traditionnelle. Aujourd’hui, de nouveaux modèles d’affaires arrivent sur le marché et perturbent cette relation.
Par sammy soetaert
Il y a une certaine contradiction dans l’approche traditionnelle. Après l’acquisition d’une installation, les fabricants de machines et fournisseurs de composants ne revoient plus le client tant que l’installation fonctionne parfaitement. Ce n’est qu’après un arrêt définitif que le client réinvestit. Mais les machines n’étant pas parfaites et une défaillance étant toujours possible, on se tourne généralement vers le vendeur pour acquérir des pièces. Le fabricant de machines ou le fournisseur de composants revoient alors le client. Dans un certain sens, ils ont tout intérêt à ce que les machines tombent de temps en temps en panne. Une réflexion contradictoire.
La digitalisation, moteur des nouveaux modèles d’affaires
Aujourd’hui, des évolutions marquantes facilitent l’émergence de nouveaux modèles d’affaires. Il y a la digitalisation et la connectivité croissantes qui permettent de collecter et d’envoyer des données rapidement et efficacement. Il y a aussi l’apprentissage machine et l’intelligence artificielle qui prédisent le comportement des machines et des composants. Enfin, les prix des supports de stockage ont diminué de manière drastique. En d’autres termes, il est possible de générer des données de mesure partout. Un premier modèle qui a émergé de ces évolutions est le pay-per-use. L’exemple le plus connu vient du secteur de l’air comprimé où les clients ne payent plus pour leur installation mais pour le m3 d’air. Le fournisseur a tout intérêt à ce que ses actifs restent dans un état optimal de fonctionnement. Un second exemple marquant est la maintenance payante. Dans ce concept, le client final paie un montant périodique défini au préalable pour la réalisation d’actions de maintenance et de remplacement. En échange, le fournisseur s’engage à entretenir les actifs spécifiés dans le contrat selon les KPI’s établis.
Un modèle payant pour les hardware et software
Jurgen Matthieu est business development manager chez SKF. L’entreprise a lancé récemment un abonnement pour les services de maintenance. Jurgen Matthieu nous explique : « Aujourd’hui, presque tous les services se composent d’un pilier software et d’un pilier hardware. Nos logiciels de mesure de vibrations et de conditions fonctionnent comme un modèle payant chez 80% de nos clients. Nous effectuons les mises à jour et nous suivons le tout à distance. Pour le hardware, ce n’est pas encore courant. » SKF analyse d’abord avec le client les problématiques sur lesquelles il est possible de travailler : une lubrification plus efficiente, un meilleur réglage du système CMMS ou une amélioration globale des tâches de maintenance. « Nous rassemblons ces tâches dans une formule et un tarif périodique fixe. » La détermination du prix est importante : « S’il s’avère que nous ne respectons pas les KPI’s, nous sommes alors responsables des surcoûts des composants de remplacement ou des tâches de maintenance supplémentaires. Nous pouvons aussi dégager une plus grande marge si on arrive à faire mieux tourner l’installation par rapport à ce qui est stipulé dans le contrat. » Les nouvelles technologies sont plus rapidement implémentées. « Supposons que nous établissions un KPI pour réaliser un certain nombre d’actions de lubrification dans une période donnée. Si nous optons pour un nouveau système à lubrification automatique, les deux parties seront gagnantes. Il faudra entreprendre moins d’actions de maintenance et l’entreprise profitera d’une installation efficiente qui intègre les dernières technologies. »
Veillez à établir des KPI faciles, cela évitera les discussions.
« Les KPI’s doivent être clairs »
« Les KPI’s doivent être établis de manière claire et concise. Il y a un client qui subit chaque année quinze arrêts non planifiés. Il a été convenu que nous allons les ramener à dix, mais par arrêt supplémentaire évité, nous recevons un montant supplémentaire. C’est très facile à mesurer. Il s’agit d’une autre histoire que lorsque le client établit une ‘efficience de la ligne’ comme KPI. C’est difficilement mesurable et il y a des éléments qui sont hors de notre portée. Veillez donc à établir des KPI faciles, cela évitera les discussions. »
Garder les connaissances en entreprise
Chez KSB, on possède aussi un tel programme. Wim De Mesmaeker, service manager : « Pour un montant défini au préalable, nous proposons plusieurs services au sein des contrats de maintenance, dans le cadre de notre programme Easy Maintenance, un logiciel en ligne que nous avons développé et qui supporte la gestion et l’échange des données. Nous garantissons une installation bien entretenue selon une fiabilité donnée et nous proposons une aide dans des délais de réactivité spécifiés. La formation et le suivi à distance (des mesures de parage en ligne, par exemple) sont aussi comprises dans le contrat. » KSB a donc tout intérêt à maintenir les pompes dans des conditions optimales pour réduire le nombre d’actions de maintenance. « Les inconvénients sont néants, mais je souhaiterais donner un conseil général : veillez à garder les connaissances sur vos installations dans l’entreprise. Celles qui confient l’intégralité de la gestion à des tiers courent le risque de devenir le jouet de parties externes. »
Pas assez de personnel pour le faire soi-même
Chez Kebony, une usine chimique à Anvers qui transforme le bois, on confirme les avantages de cette méthode. Filip Van Waterschoot est technical supervisor. Nous l’avons interrogé sur ses expériences: « Nous avons une vingtaine de pompes centrifuges standard, une pompe immergée et plusieurs pompes sous vide qui sont reprises dans le contrat de KSB. Une des raisons pour lesquelles nous avons opté pour cette méthode est que nous n’avons pas assez de personnel pour le faire nous-mêmes. Comme KSB suit tout cela de très près, nous n’avons pas besoin d’un stock de pièces de rechange. Enfin, le fournisseur connaît bien ses pompes. Il sera impossible de tenir cela à jour en interne. Ce qui ne veut pas dire que nous ne sommes pas au courant des performances. Via une application web, nous disposons d’un aperçu de toutes les pompes mentionnées dans le contrat, avec une liste des actions effectuées et celles à venir. Nous pouvons aussi consulter des fiches techniques et des vues éclatées. »