IN THE FIELD
Maintenance Magazine 146 – décembre 2019
Un budget d’entretien sous pression
La composition d’un bon budget d’entretien est plus qu’un chiffrage qui doit être réalisé chaque année. C’est un processus intensif qui implique plusieurs divisions d’une entreprise. L’idéal est le budget basé sur des objectifs à long terme qui sont commandés par les besoins de production. Il demande donc les capacités nécessaires d’un responsable d’entretien afin de discuter avec toutes les parties prenantes. Celles-ci ont en effet d’autres intérêts et ne sont pas toujours familiarisées avec les terminologies techniques. C’est ce que nous apprend un entretien approfondi avec Guido Verrept, Training director I-care, et Ivan Kovacic, Management Consultant.
Par Philippe Declercq
Points d’identification
La pratique démontre que la composition d’un budget d’entretien équilibré est loin d’être une sinécure étant donné que la base des informations dont il faut partir est insuffisante dans de très nombreux cas. « Généralement, le point de départ pour l’année suivante est le budget de l’année écoulée, adapté avec une correction sensible. Dans la pratique, ceci entraîne souvent une augmentation structurelle du budget. La réaction de la direction est alors de mettre le budget sous pression, l’organisation d’entretien étant incitée à réduire le budget d’entretien – autrement dit, à diminuer les coûts. Suite à cette décision, l’entretien préventif est diminué et il y a moins d’investissements, ce qui fait que l’entretien non programmé augmente. Avec comme conséquence que les coûts vont augmenter. Si l’on pratique le même raisonnement l’année suivante, on incitera ‘l’entretien’ à faire en sorte d’encore diminuer les coûts », selon Guido Verrept d’I-care. « Il s’ensuit que la division entretien est placée automatiquement dans un cercle vicieux négatif, avec des coûts qui augmentent constamment. La pratique nous enseigne aussi que plus d’un responsable d’entretien est insuffisamment ‘armé’ pour lancer cette discussion financière avec la direction de l’entreprise. Celle-ci, de son côté, approfondit les informations budgétaires disponibles, lesquelles, dans de nombreux cas, ne reflètent pas la réalité. »
Garantir la disponibilité
Qui s’attendrait à ce que les postes de coûts dans la comptabilité sont liés à la répartition hiérarchique des installations et des machines comme celle décrite dans le plan d’entretien, en arrive à constater que ceci est rarement le cas. D’où cette conséquence : les factures entrantes ne sont pas enregistrées correctement, ce qui entraîne une image déformée des coûts par installation ou par machine. De cette manière, il devient difficile de procéder à une estimation correcte des coûts pour une installation et d’entamer une discussion correcte avec le responsable de l’entretien. Alors que cette discussion nécessaire devrait avoir lieu et avoir un impact efficace sur le long terme. Il ne faut pas non plus perdre de vue que l’essence de l’entretien consiste à garantir la disponibilité des machines et des installations, et même à l’augmenter. Le seul moyen pour rompre un cycle correctif est de lancer un plan d’entretien préventif et prédictif.
Base de données à hiérarchie correcte
Un budget réfléchi est basé sur une approche ‘zero-based’. Dans ce contexte, on part du plan d’entretien préventif. Pour établir un bon plan d’entretien, il faut disposer aussi bien d’une structure hiérarchique correcte des installations et des machines que des connaissances d’analyses approfondies de perturbations éventuelles et d’arrêts inattendus », selon Ivan Kovacic, Management Consultant. « Ensuite, ces données doivent être traitées correctement dans un CMMS (Computerized Maintenance Management System). Cette base de données n’a que la résistance de son maillon le plus faible ... Une information erronée ou incomplète entraîne presque inévitablement des conclusions erronées.
Identifier plus rapidement les causes d’une défaillance
« La production a également un rôle plus important à jouer dans l’ensemble, à savoir la fourniture des informations correctes à la division entretien en ce qui concerne les causes de perturbation possibles (ce qu’il est convenu d’appeler les ‘bad actors’). Nous voyons encore trop souvent que les causes de la défaillance des installations ne sont pas connues ou ne le sont qu’insuffisamment », selon Kovacic. « La production peut faciliter l’enregistrement des informations qui peuvent contribuer à l’identification plus rapide des causes de la défaillance d’une installation ou d’une machine. Comme on l’a déjà indiqué, la disponibilité de l’installation doit être un point de sortie de base pour la réalisation d’un bon plan d’entretien. »
Système intégré
La solution pour aborder les problématiques liées à l’entretien qui précèdent n’est malheureusement pas si évidente. La réussite de l’approche sera déterminée par le suivi d’un système équilibré qui consiste dans la combinaison de différents éléments :
- Hiérarchie des machines : un asset tree suffisamment détaillé correspondant à la comptabilité.
- Analyse des « bad actors » : une connaissance précise des causes de perturbation.
- Rapportage de la direction (KPI) : équilibre correct entre entretien préventif et entretien correctif.
- Coût du cycle de vie : les coûts d’entretien sur la totalité de la durée de vie de l’installation.
- Business case : le retour sur investissement sur le plan de la disponibilité de l’installation.
- Planification des ressources et de la formation : la disponibilité de techniciens avec les connaissances et les compétences qu’il faut.
Plan par étapes
Dans les grandes lignes, il est possible de rassembler les informations nécessitées par le biais des quatre étapes suivantes :
- De concert avec la comptabilité, parvenir à une adaptation correcte entre la hiérarchie des actifs et les postes de coûts.
- De concert avec la production, vérifier les objectifs de disponibilité et évaluer le caractère critique des installations.
- De concert avec la division ingénierie, parvenir à une image correcte du coût de cycle de vie possible ou du coût total de la propriété.
- De concert avec la division personnel, jalonner un itinéraire pour parvenir à une embauche correcte de collaborateurs et à une gestion correcte des compétences.
Etablir des priorités
Après ce tour d’information, il est possible de procéder à une estimation correcte des changements nécessaires et des efforts qui les accompagnent. On ne pourra pas tout changer en même temps, un établissement correct des priorités étant donc nécessaire. Avec cela, on dispose des éléments nécessaires pour parvenir à un plan de projet d’entretien réaliste. L’expérience nous apprend que ces efforts sont souvent étalés sur plusieurs mois et que l’évolution vers un système équilibré de gestion des actifs se déroule plutôt progressivement. La pratique démontre toutefois que les entreprises qui ont appliqué les éléments et les étapes susdits sont parvenues à un budget d’entretien correct et défendable.
Formations BEMAS
« Malheureusement, il n’est pas simple de parvenir à un bon plan d’entretien. Ce qui ne peut toutefois pas retenir le responsable de l’entretien de commencer à s’en occuper, car un bon début est déjà la moitié du travail », selon Verrept d’I-care. Celui qui veut en savoir plus sur ces différents points importants relatifs à l’établissement d’un bon plan d’entretien et d’un budget d’entretien correctement structuré peut suivre l’une des formations BEMAS suivantes, à savoir « Comment rédiger un budget d’entretien ».